Chapitre 9

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21 Décembre 2014

J'ouvre les yeux.

Je suis sur le canapé. J'ai dû m'endormir là, hier soir. Il fait jour et le feu est sur le point de s'éteindre. Mon carnet est tombé sur le sol et le visage de ma mère, que j'ai dessiné hier soir, me renvoie mon regard. Finalement, il y a beaucoup de traits que nous avons en commun.

Je me redresse et je jette un œil à Nathaniel, qui dort encore sur le sol. Il a l'air paisible. Il a eu beaucoup de chance que nous ayons eu cette coupure de courant. Il aurait pu mourir à quelques mètres de nous, sans que l'on ne s'en doute.

Lucas ne s'en serait jamais remis.

Je laisse mes yeux suivre le contour de son visage. Il est beau. Je ne parle pas de cette beauté qui fait d'un être quelqu'un d'attirant mais plutôt de celle de son âme, celle qui fait de lui un être si compréhensif et empathique.

Il s'est confié à moi sur la terrible épreuve qu'il a traversée. On se connaît à peine. Je l'ai quasiment traité d'escroc et de gigolo mais pourtant il m'a raconté sa blessure la plus profonde. J'ignore pourquoi mais je sais que cet homme a une force de caractère incroyable.

Je n'ose imaginer ce par quoi il est passé en regardant, impuissant, sa femme mourir. Et pourtant, il s'est relevé et il espère qu'il pourra de nouveau être heureux et avoir une vie normale.

Comment fait-il ?

Comment peut-il continuer de vivre, d'espérer le bonheur après une telle épreuve alors que j'en suis tout bonnement incapable ? J'aimerais tourner la page moi aussi, t'oublier une bonne fois pour toutes. Peut-être qu'il pourrait m'aider, me permettre d'aller mieux, d'avoir une vie un peu plus normale. Je suis consciente que je vais avoir du mal à le lui demander mais j'ai besoin de son aide. Il est le seul à pouvoir m'aider.

Je crois qu'il a raison.

Je n'ai pas fait mon deuil de toi. Je sais pourtant exactement qui tu es. Je sais que tu as tué un homme de sang-froid et avec pour seule arme tes poings. Je sais tout ce que tu m'as fait aussi.

J'ai pu en constater les dégâts irrémédiables.

Mais pourtant, je ne peux pas t'oublier. Je refuse de laisser quiconque entrer dans ma vie, si ce n'est toi et je persiste à rester dans cet état, à me détruire à petit feu, à refuser de guérir de toi, comme si ça me plaisait d'être ainsi.

Je crois que j'ai besoin de comprendre.

Seulement de comprendre ce qui s'est passé dans ta tête. Comment es-tu passé de l'ange au démon ? Comment l'homme que j'aimais a pu se transformer en ce monstre sanguinaire, cet assassin ? Comment ces mains tremblantes que tu posais fébrilement sur moi ont pu ôter la vie ?

Je suis consciente que si on se revoyait un jour, tu chercherais à me tuer. Le psy m'a expliqué le genre de ta personnalité et même si je faisais mine de ne pas écouter, j'étais très attentive à tous les détails qu'il pouvait me livrer sur toi.

Tu m'as laissé pour morte, mais tu as échoué à me tuer et je sais que, si tu le savais, tu ferais tout pour finir le travail. Mais si tu prenais le temps de t'expliquer avant, je te laisserais sans doute faire.

– Bonjour, me lâche-t-il en me faisant sursauter.

– Bonjour, souris-je en essuyant la larme qui vient de m'échapper. Vous vous sentez mieux ?

– Je me sens surtout idiot. Mais ça, j'ai l'habitude.

– Ne vous en faites pas. Vous avez dormi ?

Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant