Chapitre 24

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17 Mars 2006

Il baigne mes yeux de lumière un peu plus longtemps que d'habitude.

Puis, il prend ma tension, écoute ma respiration mais ne trouve rien d'anormal. Il passe ensuite sa main devant mes yeux mais je ne cille pas. Il tente un claquement de doigts à proximité de mon visage, espérant sans doute me faire sursauter, mais n'obtient pas plus de résultats.

Tous les matins, c'est le même rituel.

Les mêmes tentatives.

Les mêmes échecs.

Parfois, il essaie quelque chose de différent, pensant certainement avoir plus de chances de me faire réagir. Il devrait pourtant savoir que ça ne sert à rien depuis le temps. Quels que soient leurs tentatives, ils n'obtiennent jamais aucune réponse de moi.

Pourtant, et ce malgré ce qu'ils pensent, j'entends et je comprends ce qu'ils disent. Je sais très bien qu'ils s'inquiètent pour moi, qu'ils aimeraient me voir réagir mais je ne peux pas.

C'est au-dessus de mes forces.

Depuis que tu as disparu, je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit. Mon existence toute entière a été engloutie dans un gouffre tellement profond qu'il m'est impossible d'en voir la fin.

J'ignore vers qui me tourner, à qui en parler. J'ai l'impression que personne ne peut comprendre ce que je vis, ce que je ressens. J'ai perdu la notion du temps et de l'espace. J'ai même fini par me perdre dans le néant qu'est devenue ma vie.

Je t'ai perdu toi.

Il faut être réaliste : tu t'es enfui loin de moi. Je le sais pertinemment mais je le refuse toujours avec une force telle qu'elle me prend toute mon énergie. Je sais parfaitement ce qui m'arrive et je n'ai pas besoin d'un médecin pour ça.

Je suis en plein deuil.

J'ai lu un livre là-dessus. L'un de ceux que ma mère possède d'ailleurs. L'auteure, dont le nom m'échappe, y dit que la résolution d'un deuil se fait par étape. Elle a d'ailleurs distinguée cinq grandes étapes, qui, si ma mémoire est bonne, sont : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation.

D'après ce que dit mon père, j'en suis à la phase quatre, donc en pleine dépression. Je ne suis pas médecin mais je pense qu'il a tort. Pour une raison inexplicable, je suis restée bloquée à la phase une : le déni.

Je refuse de croire en ce qui s'est passé.

Je sais pourtant que ça ne sert à rien de nier. C'est arrivé et il est impossible de revenir en arrière mais je n'y peux rien, c'est plus fort que moi. Je passe mon temps à essayer de forcer ma mémoire, à faire revenir mes souvenirs de cette nuit-là. Je sais que ça ne changera en rien tout ce que tu as fait mais j'ai besoin de savoir, de voir la réalité en face, même si je sais qu'elle ne me plaira pas.

La vérité c'est que tu es parti, sans moi.

Tu m'as abandonné derrière toi, comme si ce que nous avions vécu n'avait pas compté pour toi, comme si tout ça n'avait jamais existé. Je me surprends parfois à penser que rien de tout ça n'a été réel mais ça me fait plus de mal encore.

Tu m'as tout pris et seuls mes quelques souvenirs, le si peu que j'ai de toi, attestent de cette cruelle réalité. J'ai parfois l'impression que tu es là, près de moi et mon tourment semble s'apaiser quelque peu. Mais le plus terrifiant pour moi, ce sont encore les cauchemars. Ceux qui me terrifient au point de me faire hurler dans mon lit, alors qu'au réveil, je n'en ai aucun souvenir.

Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant