Chapitre 3 - La menace

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Lorsque le manager s'arrêta devant la jeune femme, il y eut un instant de gêne, alimenté en partie par la châtaine qui haussa un sourcil quand l'homme lui avoua être fan de son jeu de pianiste. En fait, ce ne fut pas tellement le compliment qui la mit mal à l'aise, mais l'impression qu'il la connaissait plus qu'il n'aurait dû. C'était étrange comme sensation, c'en était même flippant.

— Vous ne me connaissez certainement pas, car contrairement à ceux que je manage, je reste derrière la scène. Je m'appelle Harry Studer, se présenta l'homme.

Puis parce que celui-ci lui tendit la main, Eden se sentit obligée de répondre à sa salutation. Pas spécialement tactile, elle n'aimait pas trop ce genre de bonjour.

— Est-ce que vous avez quelques minutes à m'accorder ? M'entretenir avec vous serait un honneur.

— Euh... C'est-à-dire que c'est ma pause avant la seconde partie et j'aimerais...

— Ça ne prendra pas longtemps, je vous le promets.

Contrairement à certains, Eden n'avait jamais été du genre à savoir repousser les vendeurs ou tout simplement ceux qui proposaient de bons arguments. Bien sûr, elle avait conscience que c'était dangereux et elle travaillait sur ce point. Seulement on ne progressait pas en un claquement de doigt, c'était bien connu.

Aussi, elle hocha la tête et fit deux pas pour suivre l'homme qui devait avoir vers la quarantaine.

— Avez-vous déjà entendu parler des PierceHeart ?

La jeune femme regarda plus amplement l'homme aux tempes légèrement dégarnies.

Pourquoi cet Harry Studer lui parlait d'un groupe de rock ? Bien que la pianiste avait une préférence pour d'autres styles musicaux, elle avait tout de même entendu parler de ceux qui faisaient parler d'eux, autant de par leur musique que leurs comportements douteux. Il faut dire que la presse les voyait tellement comme leurs poules aux œufs d'or dernièrement que dire ne pas les connaître aurait été synonyme d'affirmer ne pas connaître le Starbucks.

— Il se trouve que je suis leur manager, depuis plusieurs années désormais. Quand je les ai rencontrés, ils n'étaient que des gosses rêveurs qui s'entraînaient chacun de leur côté, dans le garage de leurs parents. Je les ai amenés sur le bord de la scène. J'ai fait découvrir au monde entier leurs talents. J'ai fait d'eux des stars.

Lui ? Manager d'un groupe de rock ? Avec son style de mec rangé qui vivait une petite vie calme ? Jamais Eden n'aurait pensé à la possibilité que cet Harry puisse mener un groupe de rebelles qui affichaient dernièrement un goût prononcé pour les conneries en tout genre.

— Écoutez Eden, je vous ai observée durant cette semaine. J'ai vu ce dont vous êtes capable.

Automatiquement, la jeune femme recula.

Qui était cet homme qui connaissait son prénom et l'avait épiée ? Une semaine ! Est-ce qu'il réalisait qu'il venait de dire l'avoir observée durant une semaine ? N'était-ce pas là le genre de discours que tenaient les psychopathes ? Qui observait une simple pianiste bar ainsi, si ce n'était un mec complètement instable ?

— Comment...

— Comme la plupart des gens, vous avez dû avoir vent des exploits du leader du groupe, Chad ! continua Harry, peu désireux de laisser la pianiste prendre le dessus sur la situation en lui posant des questions.

Il devait déballer tout son discours et lui donner à peine la possibilité de respirer pour être sûr qu'elle accepte tout cela. Il fallait qu'il l'écrase sous cette vague d'informations. Il fallait que son cerveau sature. C'était ainsi que les Hommes réussissaient le mieux à faire faire aux autres des choses, parfois insensées.

Charmante essenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant