Ils ne se sont pas vu pendant les deux semaines de congés qui ont suivi leur représentation en Pologne. Aucun contact, rien, le néant. En dehors de quelques posts Instagram qu'il a feuilleté et aimé machinalement, par habitude plus qu'autre chose; elle a fait de même. Histoire de faire bonne figure à sa façon. Mais tous deux ont su que la fin de leur relation amoureuse avait sonné. Ils n'ont rien dit à ce sujet, ne le mentionneront jamais dans leurs futures conversations ni dans aucune interview. Rien, le néant. De toutes façons, ils avaient un accord implicite qu'ils respecteraient coûte que coûte.C'est arrivé, c'est tout.
- Hé, Vic! s'écrit-il lorsqu'ils se dirigent tous d'un même pas vers le tapis roulant de l'aéroport contenant leurs valises
La bassiste délaisse son bagage pour se tourner vers son petit-ami, au présent ou au passé elle ne sait plus trop. Il est resté tout le vol assoupi contre l'épaule de Damiano, gardé par son ami comme la prunelle de ses yeux. Elle se doute qu'ils ont passé du temps ensemble quand elle a disparu sans explication. Il a certainement trouvé du réconfort dans sa compagnie, dans sa présence aussi.
Quelques mètres les séparent; elle le regarde approcher. Toujours avec distinction, cette classe est innée. Ils échangent un sourire, le premier depuis qu'ils se sont quittés quinze jours auparavant. Il ne lui en veut pas, cette distance l'a fait réfléchir. Maintenant, il comprend. Enfin, ils comprennent. C'était certainement voué à l'échec depuis le départ, depuis ce jour où elle lui a dit que ce baiser avec le batteur avait éveillé de nouveaux sentiments en elle. Il la croit. Elle parle avec sincérité. Mais c'est différent de ce qu'il avait imaginé.
En deux semaines, ses longs cheveux ont encore poussé. Ils ondulent un peu plus bas dans son dos encore, laissés au naturel. Comme pour marquer le temps écoulé sans se voir ni se toucher ou s'attendrir. Et ce sourire, à la fois timide et content de la retrouver, lui donne soudainement chaud. Elle ferait n'importe quoi pour qu'il soit heureux. Vraiment.
Puis vient l'étreinte, ce moment où il la serre dans ses bras si fort que, pendant une seconde, son souffle se coupe et plus rien d'autre que lui ne compte. Elle sait qu'il l'a pardonnée. Son cœur se gonfle de joie et de soulagement. Elle ferme les yeux, ses mains caressant son dos avec bienveillance.
— Tu m'as manqué, Ethan.
— Toi aussi, imbécile!Elle se met à pleurer dans ses bras, sous les regards des deux autres membres du groupe. Et, il la serre encore un peu plus fortement contre lui, si près qu'elle peut presque sentir les battements frénétiques de son coeur. Si près que son souffle atterrit sur le sommet de son crâne et que quelques mèches noires viennent lui chatouiller le nez. Elle sent son parfum et ne veut plus le quitter. Peut-être que c'est ça, l'amour?
Ils se détachent lentement.
- J'avais mis du mascara! se plaint-elle en essuyant ses joues d'un revers. Regarde ce que tu me fais faire! Les gens vont se poser des questions maintenant.
En un battement de cils, il remarque la bague qui orne son majeur droit.
Le même motif que celle de Thomas, le même endroit aussi, la même bague qu'il serait capable de reconnaître entre mille.
Avant même qu'il n'ait pu faire la remarque ou exprimer le fond de sa pensée, elle lui prend la main et l'entraine avec elle dans la recherche de leurs valises qui tournent depuis plusieurs minutes sur le tapis. Il rit, l'observe attraper les valises les unes après les autres, comme une enfant surexcitée et ça lui va. Oui, ça lui va.
Tant qu'elle est à ses côtés, tout ira bien. Aussi niais que cela puisse paraître. Leur amitié plus forte que tout le reste.
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