La Chasse Hierdun - Et si tout était faux ?

2.

J'entends quelques notes se jouer dans la salle de réception. Cela indique le début de la fête. Je passe rapidement devant le miroir pour regarder une dernière fois ma tenue et vérifie que tout va pour le mieux. Cette robe noire est un classique, elle peut être portée en toute situation. En plus, elle me va plutôt bien. C'est une valeur sure. Je passe rapidement mes mains dans mes cheveux pour replacer quelques mèches rebelles puis prends une grande inspiration.

Souris et tout ira bien !

Je franchis la porte et descends les escaliers pour rejoindre tout le monde dans la salle de réception. Je suis rarement à l'aise à ce genre de fête. Je me crispe un peu à l'idée de me retrouver dans la foule.

En effet, déjà beaucoup d'invités sont là. Je n'aime pas vraiment ce genre de fête, mais mère s'est surpassée en termes de décoration. Chaque recoin de la pièce est décoré par des bougies et nombreux bouquets de fleurs de la couleur préférée de mon cher père. Les derniers rayons du soleil se glissent à travers les grandes fenêtres et permettent d'éclairer chaque petite partie d'or qui se cache dans les parcelles des murs de briques, créant alors une ambiance chaleureuse et remplie de richesse.

Je me dirige vers le buffet pour prendre un verre de vin et quelques délicieux amuses bouches. Ils sentent si bon que mon ventre se met à crier famine. Quelques secondes plus tard, pendant que je savoure avec plaisir ce que j'ai devant les yeux, ma mère arrive avec un grand sourire.

- Amélia, tu es splendide ! Cette robe te va à merveille !

- Merci mère ! C'est un cadeau de votre part, elle ne peut qu'être de bon goût.

Elle fait un signe de la main l'air de dire « Pas besoin de me flatter » puis repart à la conquête de potin auprès de ses amies mondaines. Je les observe pendant quelques instants. Elles sont la représentation de la vie que me prépare ma mère depuis mon plus jeune âge. Elles sont toutes superbes dans leur gigantesque robe à en prendre toute la place, avec des parures en or tout le long de leur main ou même de leur cou. Ajoutant à tous ces artifices un chapeau sur leur tête, surement pour cacher leur égo surdimensionné. Leurs rires un peu forcés me donnent envie de fuir. Elles agissent ainsi uniquement pour attirer l'attention.

Je soupire longuement, déjà fatiguée par cette fête et m'apprête à partir m'installer dans un coin pour ne pas être trop vue. Dans ce genre de soirée, mes parents aiment me présenter ce qu'ils appellent des « hommes à marier ». Plus vite je me cache, plus vite je serai tranquille pour le reste de la soirée. J'atteins presque mon objectif quand un homme apparait devant moi, comme pour me bloquer le passage.

Je lève les yeux vers mon interlocuteur avant d'apercevoir Louis. Louis de Bonneville est mon ex petit-ami. Nous avons un passé un peu compliqué et nous nous sommes séparés il y a plus d'un an. Mes parents l'invitent à toutes leurs fêtes dans l'espoir de nous remettre ensemble, bien que j'en ai strictement aucune envie.

- Louis ! Tu m'as surprise, j'allais justement m'installer dans ce charmant fauteuil pour profiter de mon verre.

- Tu allais plutôt te cacher dans un coin, avoue-le.

Touchée.

- Je ne peux rien te cacher.

Il m'affiche un petit sourire vainqueur en passant sa main dans ses cheveux blonds, plus long qu'à son habitude. Ce sourire, il peut faire craquer plusieurs filles et à chaque fois je suis surprise de le voir débarquer à nos fêtes. Il peut parfaitement se trouver une autre femme et ne pas passer ses soirées avec moi.

- Alors, comme ça tu viens toujours à nos soirées ! Je pensais qu'après si longtemps, tu te serais lassé.

- Comment pourrais-je me lasser de te voir ? Je ne raterais aucune occasion de passer un moment en ta compagnie, d'autant plus que ce sont les seuls moyens que j'ai de passer du temps avec toi. Il semblerait que tu sois beaucoup occupée la journée. Ta mère m'a dit que tu sortais toujours pour aller vadrouiller dans les alentours ?

Il se rapproche un peu plus de moi, me bloquant contre la table derrière moi.

- De toute évidence, ma mère parle trop. Mais en effet, je profite de mes journées pour aller me balader dans la nature. Figure-toi que j'ai découvert une nouvelle chose aujourd'hui ! dis-je avec un enthousiasme surprenant à priori, vue de la tête qu'il tire.

- Tu as trouvé une licorne ?

Il glisse ses doigts sur ma joue. Je me décale sur le côté pour m'éloigner un peu et l'empêcher de me toucher plus longtemps.

- Très drôle mais non. Les licornes n'existent pas. J'ai fait une rencontre surprenante avec un écureuil ! Ce sont des êtres tous petits et pleins de poils. Ils ont une petite queue qui rebique derrière eux comme une antenne. Ils sont très amusants ! Malheureusement, il a dû me repérer car il est parti en courant et ces créatures courent vite !

- Je vois... Sinon tu es disponible demain midi pour un diner en tête à tête avec moi ?

La musique se termine quelques secondes plus tard, laissant un grand silence entre nous, bien assez long pour lui faire comprendre mon envie de refuser. Je suis profondément déçue en voyant sa réaction face à mon histoire. Je tourne les talons, ne prenant même pas le temps de lui répondre.

Je marche dans la direction opposée, prête à partir loin de lui. Cette fois je ne manquerai pas d'expliquer la situation à mes parents. Ils ne savent rien de notre relation, loin de là et jamais je n'oserai leur dire ce qu'il s'est vraiment passé. Je n'aime plus cet homme mais je ne souhaite pas, pour autant, rabaisser son image. Je me demande bien ce que je lui ai trouvé d'ailleurs à l'époque. Il est arrogant et nous n'avons aucun centre d'intérêt commun. Quelle triste histoire d'amour !

Je descends les quelques escaliers qui séparent cette pièce pleine de mondes et de bruits pour me diriger vers le calme de l'extérieur pour enfin respirer. Je me sens comme étouffée à force d'être entourée par tant d'hypocrisie. Ce genre de fête est d'une récurrence disproportionnée mais je n'arrive pas à m'habituer au monde dans lequel je vis.

Je pars m'assoir dehors pour prendre un peu l'air et apaiser mon cœur. Il bat tellement vite que j'entends plus que lui. Je profite de ce moment pour siroter mon verre et calmer mon esprit. Je me sens si incomprise, comme si j'étais folle de m'intéresser à la nature et aux animaux. Personne n'est comme moi ici. Ils sont tous imbus de leur personne et avide de pouvoir. Je me demande bien ce qui cloche chez moi.

Une ombre apparait derrière moi, une ombre féminine visiblement. Je compte bien demander un peu de solitude mais je reconnais mon amie d'enfance : Rose.

- Rose ! Comme je suis heureuse de voir un visage familier ! Enfin un autre que celui de mon ex petit ami, dis-je en m'avançant vers elle et en lui faisant la bise.

- Amélia, Comment vas-tu ? Tes parents ont encore invité Louis ? Tu ne leur avais pas déjà dit que tu ne voulais pas le voir ?

- Si ! Au moins mille fois mais ils refusent de m'écouter visiblement. Il vient de me demander de manger avec lui demain midi ! Il est vraiment sans gêne.

- Il craque encore pour toi c'est sûr ! Cette fois, soit plus ferme avec lui ou alors avec tes parents. Peut-être qu'ils t'écouteront. Ou alors décourage-le et il ne viendra plus ! Oh non tiens ! J'ai une idée ! Va au repas avec lui et fait lui croire que tu es folle, ou alors quelque chose dans le genre, comme ça il ne voudra plus de toi et sera alors découragé !

Nous nous mettons à rire ensemble, son idée est si idiote. Je sais déjà qu'elle ne marchera pas. En plus, il n'est pas du genre à se décourager. Elle dit ça uniquement pour me faire rire. Elle sait à quel point je n'aime pas être en société, elle trouve toujours un moyen de me changer les idées et de prendre soin de moi. C'est une vraie amie. On se connaît depuis notre tendre enfance, nous avons toujours été inséparables.

Elle n'est pas complètement comme moi, elle aime la société actuelle, les soirées mondaines, les hommes aussi, l'argent et tout l'opposé de mes idéaux. Mais elle s'intéresse aussi énormément à la nature et à l'histoire de notre pays. Nos discussions sont toujours très animées. Quand je lui raconte mon entrevue rapide avec le petit animal de ce matin, elle bondit de joie à l'idée que cela est pu arriver. Voilà le genre de réaction dont j'ai besoin.