La Chasse Hierdun - Et si tout était faux ?

12.

Le lendemain, je suis réveillée par le brouhaha du centre-ville qui s'anime en dessous de ma fenêtre. Pendant quelques secondes, je mets du temps à comprendre où je suis. Tout a une sensation différente ici. Le touché des draps sur mon corps, le rayon de soleil qui traverse les rideaux, ajoutant un peu de chaleur dans la chambre si grande et vide. Mes yeux sont ouverts et j'ai pourtant l'impression d'être dans un rêve. Je vois la poussière qui vole dans un rayon de chaleur, comme si elle dansait sous les projecteurs et que le meuble de la bibliothèque était sa scène.

Au loin j'entends les cris de quelques oisillons qui chantent à leur éveil, réclamant à manger à leurs parents. Je prends le temps d'apprécier ce moment, encore allongée dans mon lit. Je n'arrive pas à croire à tout cela, comme si je l'avais imaginé, que ce n'est pas réel. Je suis si loin de ma famille, de mes amis et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi bien, aussi vivante qu'aujourd'hui, seule dans un monde si vaste que je pourrais me perdre juste en traversant la porte de ma chambre.

Quelques minutes passées, je me lève, appelée par l'envie de manger un bon petit déjeuner quand soudain, je remarque l'autre lit vide. Mon regard se balade dans la chambre à la recherche d'un mot ou d'un signe de l'endroit où Kaïs peut être. Mais rien à l'horizon. Après tout, il n'est pas obligé de se justifier de quoi que ce soit.

Je m'avance vers les rideaux pour les ouvrir en grand et observer la rue et ses habitants bruyants. Ils sont en train de s'agiter dans tous les sens, rangeant des cartons, ouvrant leur boutique, observant les vitrines avec convoitise, sentant la bonne odeur de nourriture qui vole dans la rue, s'évacuant de la boulangerie du coin et sa vendeuse qui sourit poliment aux clients. Cette odeur, je la sens aussi au travers de ma fenêtre. Rien ne peut me donner plus envie à ce moment précis.

Je me prépare, enfilant une belle robe blanche avec un corset marron ainsi que des chaussures à mini talon de la même couleur ? J'attache mes longs cheveux blonds en chignon bas. Une fois présentable, je sors de ma chambre et me dirige vers la boulangerie pour m'acheter à manger. Tout me parait si bon que je ne sais même pas quoi prendre une fois arrivée en caisse. Des croissants, des pains au chocolat, des beignets, des chouquettes, des roses des sables ? Je veux absolument tout mais c'est impossible vu le prix qui est plus haut que je ne l'imaginais. Je me tourne vers la caissière et lui demande quelques chouquettes et deux pains au chocolat. Ne sachant pas si Kaïs a déjeuné ou non, j'en prends aussi pour lui.

Quelques longues minutes plus tard, je suis de nouveau dans la chambre en train de déguster les pâtisseries que je viens d'acheter. Je sens chaque grain de sucre fondre sur ma langue avec le goût de la pâte des chouquettes. Je me fais la promesse de manger un plat de chaque pays que je visiterai et que je profiterai de chaque moment comme je profite de celui-ci, comme un cadeau apporté par les anges de la cuisine.

Je n'ai jamais goûté quelque chose comme tel dans mon pays. Là-bas, tous les plats ont le même goût, la même saveur froide, peu importe ce que l'on mange.

J'ai du mal à me retenir de tout manger mais je veux que Kaïs goûte à cette nourriture. Je lui laisse quelques chouquettes et le deuxième pain au chocolat sur la table, en espérant qu'il reviendra bientôt.

Cependant, il ne semble pas vouloir revenir de ci-tôt puisque les minutes, voire les heures, passent sans qu'il ne pointe le bout de son nez et je commence à m'impatienter, moi qui rêve de sortir me balader à nouveau comme hier. Voyant que l'horloge tourne, je prends la décision de sortir sans lui.

J'écris un petit mot pour lui dire de se servir et que je suis sortie, ajoutant une heure de retour. Après tout, je suis bien assez grande et forte pour m'en sortir toute seule et je suis sûre qu'entre ce pays et le mien, il n'y a pas tant de différence.