La Chasse Hierdun - Et si tout était faux ?

32.

Jambes tendues, poings fermés, épaules détendues... Maintenant ! Je lâche la flèche de mon arc afin qu'elle s'enfonce dans la cible qui est à plusieurs mètres de moi. Légèrement sur le côté... Je ferai mieux la prochaine fois. Elanor se tourne vers moi et prend son arc pour me montrer comment faire. Jambes tendues, poings fermés, épaules détendues, elle élance sa flèche qui vient se loger au milieu de la cible.

Quelle crâneuse...

- C'est comme ça que tu dois faire, ajoute-t-elle.

Ce n'est pas le premier cours que je prends avec elle et pourtant je n'y arrive toujours pas...Je recommence en imitant tous les gestes qu'elle m'a appris et ferme les yeux quelques secondes pour respirer et me concentrer. Je vais y arriver ! Je détends mes poings après avoir ouvert les yeux et je vois la flèche se planter dans la cible, en plein milieu.

- Enfin ! hurlé-je.

- Bravo, bravo ! dit Elanor. Recommence pour voir.

J'obéis à sa requête en priant pour réussir à nouveau et qu'elle me lâche un peu avec cet exercice qu'on fait depuis une heure. Je recommence toutes les étapes et la flèche plonge de nouveau au centre de la cible.

- Ouais ! m'exclamé-je.

Elanor applaudit en me regardant avec fierté. Elle part chercher les flèches dans la cible puis revient vers moi en réfléchissant. Au fond, je n'espère qu'une chose, qu'elle me laisse tranquillement vaquer à mes occupations. J'ai bien envie de retourner voir Kaïs.

Cependant, elle ne semble pas déterminée à stopper l'entrainement. Je ne sais pas à quoi m'attendre de sa part.

Soudain, elle prend une épée en bois et commence à la brandir vers moi avant qu'elle se mette à m'attaquer, m'obligeant à attraper celle qui est à côté de moi. Je me défends du mieux que je peux en lâchant mon arc et lui rend les coups. Elle aime me prendre par surprise comme ça. Tout à fait ce que je déteste par contre.

Notre combat dure de longues minutes car aucune de nous deux ne veut abandonner. Je vois une faille que je suis bien déterminée à utiliser en retournant son arme contre elle et en l'obligeant à me la donner pour finir le combat, ce qu'elle fait. Elle est sur les genoux pendant que je pointe nos deux armes vers son visage. Je souris légèrement en coin, fière d'avoir réussi.

- L'élève a dépassé le maître, annoncé-je.

- Je dois avouer que tu t'es super bien améliorée, ajoute Elanor en se redressant.

Elle ne m'a jamais dit cela auparavant. Je dois être vraiment digne de son respect ! Je lui rends son arme et range la mienne, j'ai besoin d'une pause. Nous nous installons toutes les deux sur un petit banc en bois afin de respirer un peu et baisser en rythme cardiaque.

- Tu es devenue forte, Amélia. Tu peux être fière de toi.

- Merci Elanor.

- Je crois que tu n'as plus besoin de moi désormais.

- Tu rigoles ? Je viens juste de réussir à mettre une flèche dans le centre de la cible.

- Tu n'es pas parfaite, c'est sûr, mais tu sauras t'améliorer toute seule.

Je baisse les yeux vers le sol. J'ai accepté d'apprendre toutes ses techniques de combat ainsi que l'histoire des Oltis pour comprendre qui je suis, comment pourrais-je m'améliorer toute seule sans elle ? Aurais-je, un jour, besoin d'utiliser mon savoir ?

- Elanor... Je te remercie pour tout cet apprentissage.

- Voyons, tu es ma sœur, c'est normal.

Elle rit un peu en prenant ma main, comme pour me faire comprendre que je n'ai pas à la remercier. J'ai beaucoup de considération pour elle. Elle est la sœur que je n'ai jamais eue, comme elle vient si bien de le dire. Pourtant, je vais l'abandonner ici puisque j'ai prévu de repartir en voyage avec Kaïs.

- Tu comptes faire quoi maintenant ? me demande-t-elle.

- J'ai encore beaucoup de chose à découvrir dans ce monde, finis-je par dire.

- Tu repars alors... soupire-t-elle.

- Oui.

- Quand ?

- Demain.

Elle semble déçue de mon départ improvisé. Je n'ai pas envie de partir loin d'elle maintenant qu'elle est ma seule véritable amie mais je n'ai pas fait tout ce chemin pour m'arrêter aujourd'hui.

- Si tu vas un jour à Janim, est-ce que tu pourrais rendre ça à mes parents ?

Elle sort une petite statue en bois de sa poche et me la tend en souriant tristement.

- Ils habitent dans une petite maison jaune dans la rue Guillette. Est-ce que tu accepterais de faire ça pour moi ?

- Evidemment. Mais pourquoi tu ne leurs rends pas toi-même ?

- Je suis incapable de les revoir...

Elle met la statue dans mes mains puis essuie les quelques larmes qui ont coulé sur ses joues. Je l'entoure de mes bras et la serre contre moi pour la rassurer. Cependant, je sens qu'elle se fige complètement face à mon accolade. Je me recule directement, comprenant que je viens de la mettre mal à l'aise.

- Excuse-moi ! bafouillé-je.

- Ce n'est rien, dit-elle en se mettant à rire.

Nous nous mettons toutes les deux à rire, amusées par la situation. J'oublie parfois que les gens ne sont pas tactiles comme moi. Je sais désormais que je ne ferai plus aucun geste du genre.

***

Nous y revoilà, Kaïs et moi contre le monde, comme avant. Nous sommes de nouveau repartis en direction d'une nouvelle ville inconnue, chacun sur notre cheval.

La forêt devient plus dense, nous nous enfonçons dans les profondeurs de Cassidy afin de rejoindre une autre ville et découvrir encore le monde. Je ne sais pas à quoi m'attendre mais je me sens plus forte, prête à résister à toute éventualité.

Je tourne la tête vers Kaïs qui semble dans ses pensées, les yeux rivés vers l'horizon, silencieux. Je fais de même, observant le jour qui commence à se lever, les rayons qui traversent les feuilles des grands arbres.

Je me tourne une dernière fois vers mes amis qui me saluent de la main, me souhaitant un bon voyage. J'en profite pour apprécier encore le lieu et les souvenirs qui s'y rattachent.

Je reviendrai ici, auprès des miens, j'en suis sûre.