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« Nous sommes le Mardi 8 Septembre et aujourd'hui j'ai fait une découverte. Ce matin, en allant dans la forêt de Vielburg, je me suis retrouvée face à un petit écureuil, c'est comme ça qu'on l'appelait dans le temps. Je n'en ai jamais vu auparavant. Ces petits êtres ne font que quelques centimètres de haut et sont pleins de poils. Ils courent à une vitesse qui me semble démesurée au vu de leur petite taille. Malheureusement, quand je l'observais avec son petit gland (ou quelque chose du genre), une branche qui a craqué sous mes chaussures et visiblement, il l'a entendu, m'a repéré et, en à peine quelques secondes, il était déjà parti trop loin pour que je puisse faire un dessin. J'espère pouvoir le revoir de nouveau pour l'étudier un peu plus. »

En un soupir, je referme ce petit carnet qui me permet de noter tout ce que je veux. Malheureusement, des pages comme celle-ci, il y en a très peu, expliquant la poussière qui s'est entassée dessus. J'aimerais en écrire plus souvent. Chaque jour, je prends le temps de me balader dans la ville et ses environs, dans l'espoir de voir une forme de vie différente des humains. La plupart sont peu concluant. D'ailleurs, la dernière page date du 13 février où j'ai aperçu un oiseau étrange: un rouge-gorge. Je l'ai vue qu'une seule fois. Mais ma plus grande expérience c'était le 31 décembre, lorsque j'ai vu un loup. Enfin, je crois. J'ai tout de suite cru que cette année sera différente des autres, que j'allais découvrir encore plus de chose. Je sais aujourd'hui que c'est loin d'être le cas.

Ce genre de rencontre est devenu rare après La Chasse Hierdun. Cela date déjà de plusieurs années cependant, notre chère Terre ne s'en est pas remise. L'être humain a préféré détruire toutes formes de vie pour survivre et notre nature ne s'est pas refleurie. Nous n'avons plus d'animaux, ou très peu, et ce que j'appelle une forêt n'est que quelques morceaux de branches.

Je me lève et me dirige vers la grande fenêtre qui éclaire ma pièce favorite de notre manoir. C'est ici que je garde précieusement tous mes ouvrages, mes livres, mes dessins et aussi quelques instruments. Cette pièce est une extension de moi-même, une échappatoire, mon cocon.

Pourtant, là où j'aimerais vraiment être, c'est dans une vraie forêt, comme on peut le voir dans les anciens livres. Le genre d'endroit où les rayons du soleil illuminent les feuilles des arbres et, parfois, réussissent à franchir le feuillage d'un beau chêne pour venir caresser le sol de son étreinte chaude.

Un endroit plein de petits bruits, pas ceux insupportables comme le bruit des usines et des voitures qui m'entourent. Des bruits enchanteurs, comme la mélodie d'une vie derrière un ensemble de fleurs, la chanson d'un petit nid d'oiseaux qui appelle sa maman pour qu'elle leur apporte à manger, le son des craquellements des branches au loin qui sont effleurés par les pattes d'un renard à la quête d'une proie ou encore le bruit du vent qui effleure les branches au sifflement de ses envies. Ce genre d'endroit où nous sommes en paix, où l'on respire à plein poumon. Un endroit féérique. Mais, à mon grand désespoir, ce genre d'endroit n'existe plus.

Je pousse le léger rideau pour voir ce qui se passe derrière ma fenêtre et aperçois au loin un enfant qui court avec un morceau de pain plus ou moins dissimulé dans sa veste. Ce gamin aux cheveux bouclés et complètement décoiffés est poursuivi par un gendarme. Je le suis du regard. Il essaye de s'enfuir par la petite rue sombre. Il grimpe sur les murs pour atteindre les toits et mange son pain tranquillement.

Voilà où nous en sommes arrivés : à la famine, nous qui avions pourtant un pays riche, plein de ressources autrefois. La bêtise humaine a fait que nous en sommes là, le monde divisé entre deux : ceux qui volent pour survivre et ceux qui ont encore la chance de pouvoir se nourrir, non pas sans mal.

Je ne suis pas à plaindre, je fais partie de la deuxième catégorie. Mon père est le Maire de la ville et même si je n'apprécie pas forcément cette place, je suis vraiment reconnaissante d'être née dans une bonne famille. Tout le monde n'a pas cette chance.

Soudain mes pensées sont vite balayées par l'arrivée de ma mère.

- Encore enfermée dans cette pièce ? Amélia, voyons, tu devrais plutôt te préparer pour la fête de ce soir. Regarde-toi, tu es toute sale ! s'exclame-t-elle en me regardant de la tête au pied avec son visage rempli de contrariété.

- Oui mère, vous avez raison, je vais me préparer, répondé-je simplement.

Elle me sourit en se dirigeant vers moi avant de passer une main dans mes cheveux et retire une branche qui s'était logée dans mon chignon. J'avais pourtant pris soin de les retirer. Pas suffisamment, apparemment.

- Tu étais encore dans la forêt, n'est-ce pas ? N'arrêteras-tu donc jamais ? Ce n'est pas comme ça que tu vas perpétuer notre nom ! Tu sais, ton père et moi serions vraiment rassurés de te savoir avec un homme. Tu ne nous ménages pas.

Elle recommence...

- Mère, papa et vous avez un peu trop tendance à me voir comme un moyen de perpétuer la famille. Mais il y a tellement d'autres choses que j'aimerais faire avant... avant d'être enfermée dans une prison avec un mari affligeant !

- Amélia, voyons ! s'esclaffe-t-elle.

Je soupire de nouveau en balayant d'un geste de la main les réprimandes qu'elle va me faire et prend la direction de la porte pour aller dans ma chambre. Ma mère me regarde partir et je sens la déception en elle, cette déception que je ne supporte pas.

Si seulement je pouvais les combler, si seulement j'étais aussi simple que toutes les filles qui ne cherchent qu'à avoir un bon mariage. Mais ce n'est pas moi, je n'y arrive pas et je les déçois encore, à tel point que j'en ai fait une habitude désormais. Depuis que je suis petite, je sens que je suis différente des autres. Je n'ai même pas de point commun avec mes propres parents. Je ne sais pas ce qui ne va pas avec moi.

Une fois dans ma chambre, je prends soin de fermer la porte derrière moi et me dirige vers le grand balcon. Il donne sur un des plus beaux endroits de la ville où 4 grands arbres encadrent une place avec quelques bancs. Je viens souvent ici pour lire ou dessiner un peu.

Après quelques bouffés d'air frais, je décide de me mettre au travail et de choisir une tenue pour cette soirée. Plutôt chic et élégante ou décontracté et je-m'en-foutiste ? J'entends déjà ma mère me dire : « Amélia ! Tu te dois d'être irréprochable ! » et d'un soupir finalement plutôt amusé par cette voix dans ma tête, je décide de me tourner vers une tenue chic et élégante. Une longue robe noire fera l'affaire.

Une bonne douche bien chaude pour me détendre un peu et calmer les quelques tensions qui se figent dans mon corps et me voilà devant ma coiffeuse. Mes cheveux longs et blonds glissent le long de mon corps et ne veulent pas coopérer aujourd'hui. Ce n'est pas le moment. Quelques coups de brosse, quelques pinces et voilà ma chevelure d'or prête malgré les quelques mèches rebelles qui encadrent mon visage et ressortent de mon chignon. Un peu de blush, du mascara et un joli rouge à lèvre rosé et je suis complètement préparée, mais pas emballée par cette fête. Je me serais bien contentée d'une soirée à lire un bon livre au coin de la cheminée, animée par le bruit du craquellement du bois sous la chaleur du feu. Mais je sais que cette fête tient à cœur à mes parents et je dois faire bonne figure, pour eux.

La Chasse Hierdun - Et si tout était faux ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant