15.

48 9 2
                                    

Dès que nos regards se croisent, je me sens coupable d'avoir déserté la salle de réception pendant que Kaïs était bloqué ici. Je m'avance vers lui, pas vraiment très fière. Edouard me retient un peu et me susurre de revenir le voir demain. Je le regarde une dernière fois avant de me tourner vers Kaïs qui ne me regarde même pas. Il a les yeux fixés sur Edouard et son expression est la même que celle que j'avais en le regardant partir avec la femme de tout à l'heure.

Je prends le bras de Kaïs pour qu'il laisse Edouard et se concentre sur moi, ce qu'il fait pendant quelques secondes avant de me tourner le dos et de partir brusquement, sans lâcher un mot. Je le suis en courant légèrement puisqu'il est bien plus rapide que moi avec ses grandes jambes. Nous quittons le château sur les chapeaux de roues et j'ai beau l'appeler et lui demander de ralentir, il continue en faisant la sourde oreille.

Après quelques minutes, nous sommes à mi-chemin. Je me tords la cheville en essayant de suivre son rythme et m'arrête en lâchant un petit « aïe » qui le fait, enfin, s'arrêter à son tour. Il se tourne vers moi et me porte dans ses bras même si je n'ai pas mal au point de me faire aider. A défaut je n'ai pas besoin de galoper derrière lui.

- Je peux marcher tu sais... dis-je doucement.

- Tu as l'air de t'être fait mal.

- Je souffre plus de ton silence que de ma cheville. Dis-moi ce qu'il se passe dans ta tête. J'en ai marre de cette distance que tu mets entre nous.

- Je ne suis pas doué pour ça.

- Il ne suffit juste de dire ce que tu ressens, ajouté-je en levant les yeux vers son visage fermé.

- Je suis en colère parce que je me suis inquiété pour toi.

- Je ne risquais rien. Nous étions juste sur le toit.

- Comment peux-tu autant faire confiance à ceux que tu ne connais pas ?

Il n'a pas tort. Je ne connaissais pas Edouard, il y a encore quelques minutes et pourtant j'avais décidé de lui faire confiance aveuglement. Mais, donner ma confiance aux inconnus, je suis déjà coupable de le faire avec Kaïs. Il faut croire que je suis vraiment très naïve...

- Je me sentais mal parce que tu m'avais laissé toute seule et menti... avoué-je.

- Je ne voulais pas te donner d'espoir. Je ne voulais pas que tu me demandes de danser.

- Tu préférais danser avec une pimbêche aux yeux de biche.

Il lâche un petit rire en m'entendant dire ça et je suis surprise de voir que j'ai réussi à le faire rigoler. Au fond, j'attends tellement le moment où il se décontractera enfin avec moi. Notre voyage est censé être la plus belle chose que je peux faire de ma vie mais notre fausse amitié me gâche tout le plaisir. Les larmes me montent aux yeux et je me mets à pleurer comme un vrai bébé. L'effet du vin m'a rendu encore plus émotive.

Kaïs me regarde, pris au dépourvu et ne sait pas comment réagir. Même moi je ne sais pas vraiment pourquoi je me mets à pleurer mais je n'arrive plus à me contrôler.

Il me laisse évacuer et me serre un peu plus dans ses bras. Je me surprends à me blottir comme un enfant contre lui, profitant pour déverser toutes les larmes que j'ai retenu jusque-là. Je ne sais plus quoi penser : de Kaïs, de ce voyage, d'Edouard et de ses histoires, de ma famille, de moi-même. J'ai du mal à réaliser tout ce qui est en train de se passer. Je m'en veux de craquer aussi facilement alors que tout va bien pour moi et que je suis en train de tout gâcher, encore une fois.

Au bout de quelques minutes, je fini par me calmer et réussi à sécher les larmes sur mes joues mais la chemise de Kaïs est déjà toute trempée. Je rougis un peu, me trouvant désormais ridicule d'avoir fondu en larme dans ses bras.

- Excuse-moi... Je ne sais pas ce qu'il vient de m'arriver...

- Au final, je pense que c'est toi qui as plus besoin de parler que moi, dit-il en souriant un peu, se voulant rassurant.

- Le prince m'a appris des choses sur ma famille que je ne savais même pas. Je me sens trahie et encore plus mal.

- Il t'a raconté le passé des Villente, c'est ça ?

- Même toi tu savais ça ? Je suis la première concernée et la seule à ne rien savoir alors !

Un nouvel élan de honte et de rancune me prend.

- C'était il y a des centaines d'année Amélia, tu ne devrais pas en vouloir à tes parents.

- Ils m'ont toujours menti et traité comme une enfant, comment ne pas leur en vouloir ?

- En essayant de te mettre à leur place. Peut-être qu'ils n'ont jamais eu l'occasion de le faire ? Vous étiez proche ?

- Non... Pas vraiment...

- Alors peut-être qu'ils ne savaient juste pas comment te le dire.

Je soupire longuement en essayant d'écouter son conseil. Je tente de comprendre la complexité de cet aveu, les questions qu'ils ont pu se poser, les craintes qu'ils ont pu avoir concernant ma réaction si j'avais su que j'étais liée à la royauté et à tous ses drames quotidiens. Je n'aurais surement pas su comment accepter cela et je me serais surement sentie encore plus prise au piège.

- Tu sais... Si je ne voulais pas danser c'est parce que je ne me sens pas à l'aise avec toi, avoue-t-il.

- Oh...

- Tu... Tu es imprévisible, curieuse, têtue, empathique et je crains que tu finisses par t'attacher à moi et que je gâche tout. Je ne suis pas prêt à m'ouvrir autant à quelqu'un.

- Je suis désolée... Je ne te poserai plus de question...

- Tu en es incapable, dit-il en souriant un peu.

- C'est vrai, répondis-je, amusée.

Une fois arrivée devant la porte de la chambre d'hôtel, Kaïs me dépose et ouvre la porte pour rentrer et enfin retirer sa veste. Moi, je me dirige vers la salle de bain pour retirer ma robe trempée et retirer mon maquillage qui a un peu coulé avec la pluie et les larmes.

Pleurer m'a permis de me calmer, de faire le vide dans ma tête et ma conversation avec Kaïs m'a fait beaucoup de bien puisque je sens enfin qu'il commence à se détendre avec moi.

Lorsque je suis totalement prête à aller dormir, je sors de la pièce et me glisse dans mes draps en regardant mon ami qui est déjà dans les siens depuis un moment. Il a décoiffé ses bouclettes, surement parce qu'il ne supporte plus d'être bien apprêté. Je ne dois pas le fixer mais je ne peux pas m'en empêcher. Il tourne les yeux vers moi et je quitte timidement son regard avant de revenir lentement.

- Merci Kaïs.

Il me sourit en retour et ferme les yeux pour s'endormir, épuisé. De mon côté, je m'endors aussi rapidement, fatiguée d'avoir trop pleuré pour une seule soirée.

La Chasse Hierdun - Et si tout était faux ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant