je voudrais perdre ce masque

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A minuit les masques tombent et je suis en retard. Il est minuit vingt six et mon masque d'enfant se fait la malle. Peut être est il allé se cacher dans le coffre à jouet, parmis tous les objets que l'on délaisse lorsque l'on grandit. Mon masque tombe à l'heure où je ferme mon volet, l'heure où les étoiles s'éteignent.

Demain j'aurais dix huit ans pour la quatrième fois, celle que j'appréhende le plus. Il faudra encore une énième fois réendosser ce masque et me faire beau comme les adultes l'entendent. Il me faudra vétir des vêtement accptables, me couvrir de crèmes odorantes, ne pas surcharger mes yeux de rimmel et dessiner un joli sourire sur mes lèves gercées que j'aurais pris soin d'hydrater. Il faudra endurer cette grimace de longues heures, devant seize autres personnes qui ne se préoccupent pas le moins du monde de moi, vivant comme chacun de nous dans son propre univers, bien loin du mien. Parfois je ne suis pas sûr de vivre sur la même planète que les adultes.

Mercredi je pars. Loin. Quatre heures de ma ville natales, dans une nouvelles maisons avec de nouveaux habitants qui devront vivre avec moi. J'espère que là-bas je pourrais être Ely. Le vrai Ely. Faudrait il encore que je sache qui je suis. Question récurrente.

Le gamin que les autres verront demain à bien changé. Quelques centimètres de plus, une dizaine de kilos en moins, des trous dans le corps mais moins que des trous au coeur. Je ferais ma coloration violette demain soir pour qu'ils ne la voient pas. Je crois que dans la mémoire de tous, je resterais cet enfant laid, mal dans sa peau, trop gros, qui essaye de toujours faire tout comme il faut. C'est cet enfant là que je dois jouer demain mais mieux. Toujours mieux. Toujours souriant, toujours bavard, toujours à courir partout pour aider et qui doit amuser. Je ne sors plus ma flute, j'en suis dégouté. Ca me rappelle trop cette version de moi qui voulait simplement être parfaite. L'enfant qui joue "joyeux anniversaire" à chaque fois, mal mais on ose pas le dire, on ose pas l'empecher parce que ce serait malpoli. Les convenances sociales me fatiguent.

Pourtant demain matin je me leverai tôt, mettrai la table et choisirai une jolie robe dans ma penderie, pas trop courte, pas trop sombre. Et je sourirai.

minuit et demi passé, ce soir le masque est tombé. Je le remettrai en place en me levant. Encore une énième journée.

Peut On Réellement Choisir Ce Que Nous Sommes ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant