Le lendemain matin, il y avait dans l'air une tension inhabituelle. Malgré l'heure matinale, il régnait une chaleur infernale, l'air était lourd et chargé d'électricité. Un orage, pensa le loup blanc, en se réveillant. Il constata avec étonnement qu'Ayo ne s'était pas levée. Elle qui, d'ordinaire, était déjà entrain de s'activer au jardin, reposait là, sur sa paillasse, semblant profondément endormie. Le soleil dansait sur son visage et le Loup blanc ne bougea pas, captivé par ce moment de grâce.
Il avait toujours préféré les femmes au réveil. Leurs visages sans maquillage, leurs odeurs sans parfum, leurs corps sans fioritures, leurs regards sincères encore pétillants de leurs nuits d'amour. Mais le soleil finissait toujours par se lever et les femmes finissaient toujours par se grimmer, se cachant derrière des attitudes et des poses complexes. Passé la magie de ces premières découverte, leurs mascarades leur faisaient perdre tout attrait à ses yeux et il s'en désintéressait, jusqu'à en trouver une autre et se demander ce qu'il pouvait bien se cacher sous son costume de femme dans le temps. Car à chaque temps était son costume. En 70 ans, les pratiques étaient restées, seul le camouflage avait changé.
Ayo était pour lui un perpétuel réveil. Une beauté naturelle, pure. Il ne se lassait pas de la contempler, lui arrachant un regard interrogateur quand il s'attardait trop longtemps sur son visage. Seuls les tatouages dépassant de ses vêtements l'intriguaient.
Le loup blanc se rendit compte que quelque chose n'allait pas. La peau cuivrée d'Ayo était recouvert d'une fine couche de sueur, sa respiration était rapide et son visage crispé.
- Ayo ? l'appela-t-il. Ayo, tout va bien ?
Sans crier gare, Ayo se redressa d'un coup, le souffle court.
- Hey, hey,... Dit loup blanc. Ça va ?
Il toucha sur son front et s'écria :
- Bon dieu, Ayo, tu es brûlante !
- Ça va, murmura-t-elle d'une voix faible. Ça va. Il me faut juste un peu de temps...
Du temps, pensa-t-elle, il ne leur restait plus. Elle devait finir le travail, aujourd'hui. Il le fallait.
Elle se leva avec difficulté, la lourdeur de l'air rendant douloureux chacun de ses mouvements. Lentement, elle marcha vers le meuble d'apothicaire et avala quelques cachets qu'elle sortit d'un des tiroirs. Leur effet fut rapide mais faible, elle ne pû bouger qu'avec un peu plus de facilité et ses douleurs ne s'estomperent pas. lorsqu'elle entreprit de faire du thé, elle ne réussit pas soulever la théière alors même qu'elle ne l'avait pas remplie d'eau. Le loup blanc, qui avait suivi chacun de ses gestes, glissa une main dans son dos et récupéra la théière de l'autre.
- Laisse moi t'aider, dit-il
Ayo secoua la tête, butée. Il saisit son menton, l'obligeant à le regarder. Ayo n'eut d'autre choix que de plonger dans le bleu de ses yeux.
- Laisse-moi m'occuper de toi... Répéta-t-il.
Son regard magnétique, la chaleur de son corps, le souvenir de leur baiser de la veille. Impossible de lui tenir tête. Ayo rendit les armes et s'assit en tailleur sur sa paillasse. Jamais aucun temps orageux ne l'avait autant affectée, encore moins hors saison. Elle sentait son sang commencer à bouillir dans ses veines, un processus qu'elle redoutait plus que tout. Une larme discrète roula sur sa joue. Ce n'était vraiment pas le moment. Quand l'orage éclatera...
Elle essuya sa joue d'un revert de main et tourna la tête vers le loup blanc. Il s'affairait autour de l'âtre, préparant thé et petit déjeuner. Son nouveau bras semblait lui convenir, il le maniait avec dextérité. Son regard s'attarda sur son dos, sa nuque et son profil. Il avait attaché ses cheveux mais quelques mèches rebelles balayaient encore son visage. Elle observa ses lèvres retenir un sourire. Il avait du sentir son regard posé sur lui. Elle continua toutefois à l'observer.
- À quoi penses-tu ? Dit-il doucement
Ayo cligna plusieurs fois des yeux pour reprendre pieds dans la réalité et attrapa la tasse qu'il lui tendait. Il ne l'avait remplie qu'à moitié pour qu'elle n'ait pas de mal à la soulever.
- Merci, dit-elle finalement, pour tout...
- Ce n'est qu'une tasse de thé, Ayo.
- Cela n'a rien à voir avec le thé.
Elle but sa tasse en silence, les paillettes noires infusées faisant effet. Sa tension s'appaisait et elle retrouvait ses forces.
- Pourquoi ai-je l'impression que ton merci sonne comme un adieu ? demanda le loup blanc avec inquiétude.
La réponse à cette question était loin d'être simple.
- Nous avons encore du travail, lâcha-t-elle en évitant son regard, prépare-toi.
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Monsters Searching For Redemption [1] - Le Loup Blanc
Hayran Kurgu- le Wakanda est attaqué, dit T'Challa. Nous évacuons le palais. Je te présente Ayo, elle va te conduire en lieu sûr. Je cligne des yeux plusieurs fois pour m'habituer à la luminosité. Ses paroles m'ateignent avec du retard. Bien sûr. Je suis un da...