Chapitre 1

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La route était sinueuse et irrégulière, visiblement usée par le temps et peu entretenue, tout comme la petite voiture de David dont les suspensions raides ne parvenaient pas à absorber les creux et les bosses. Nous étions en train de traverser la forêt froide et humide, de la buée se formant sur les vitres. Mes yeux ne parvenaient pas à discerner le paysage défilant à l'extérieur...

J'aurais tout donné pour être ailleurs, n'importe où mais pas ici. Je pouvais voir mon visage se reflétant dans le rétro, il était sévère et dénué de toute expression, mon sourire l'avait quitté depuis un moment déjà, et mes yeux malicieux étaient vides, leur couleur verte semblant s'être assombrie. Je n'en pouvais plus de voir ce vide d'émotions, cette obscurité constante. Même si la vie ne m'avait fait traverser de nombreuses épreuves, je n'avais pas toujours été ainsi, j'étais désormais méconnaissable et je ne le supportais pas.

La voiture se stoppa et je pu entendre David parler dans l'interphone sans pour autant déchiffrer ses mots, il avait la vitre baissée et la tête penchée vers l'extérieur. Une voix de femme lointaine répondit et la double grille en fer forgé s'ouvrit devant nous. Tout autour de nous semblait venir d'une autre époque, l'effet était théâtral.

Une fois le portail passé, je me rendis compte qu'il n'y avait plus de retour en arrière. La voiture continua sur un chemin de terre claire bien entretenu, délimité par de grands espaces verts. Rapidement je vis le bâtiment se dessiner derrière les arbres, un ancien château essayant de m'intimider de sa hauteur et de sa prestance, mais il me fallait plus que cela pour m'impressionner. Il y avait de nombreux bâtiments, formant presque un campus, certains étaient d'époques, d'autres beaucoup plus récents, mais l'ancien et le moderne se mariaient étrangement bien.

David se gara devant les escaliers, sur une petite place située au pied du bâtiment principal. Je sortis de la voiture après lui, mes pieds touchèrent le sol et mes yeux admirèrent les lieux de ma hauteur insignifiante par rapport au colosse de pierres. « L'école pour jeunes délinquants Saint Georges, nous y voilà », pensais-je, une prison de trois étages. Les murs gris étaient propres, mais ils semblaient tout droit sortis d'un film en noir et blanc.

Je suivis David, montant les escaliers en silence, ma queue de cheval accompagnant chacun de mes pas. A l'intérieur, le château était bien plus accueillant, fait principalement de bois. Cette odeur de vieux bois flottant dans l'air, c'était tellement plus agréable que la froideur des pierres.

« Les cigarettes, la drogue, l'alcool et tous les types d'armes sont strictement interdits. Il n'y a pas d'uniformes, mais une tenue correcte est exigée. Il y a quelques papiers dans cette enveloppe concernant le détail des règles des dortoirs et du campus en général », déclara la secrétaire de l'accueil en me glissant ladite enveloppe. « A l'intérieur se trouve aussi les clés de ta chambre ainsi que le numéro de celle-ci, ton emploi du temps de l'année, ta carte pour la cantine et une liste de numéros importants ou à appeler en cas d'urgence »

Alors qu'elle expliquait tout cela, un agent de sécurité fouillait mes affaires pour s'assurer qu'il n'y avait rien d'illégal. Bien sûr il jeta mes cigarettes dans la benne de produits interdits et je soupirai mentalement. Ce n'était pas comme si je n'en avais pas caché ailleurs au cas où, mais c'était tout de même de l'argent perdu inutilement.

« C'est l'heure des adieux », déclara le vigil.

David se tourna dans ma direction, c'était la première fois qu'il me regardait depuis ce matin, car il savait pertinemment que j'essayais un maximum d'éviter le contact visuel dans ce genre de situations.

« J'espère que je ne vais pas trop te manquer », commençais-je d'un ton taquin.

Il soupira mais son sourire le trahit.

Saint GeorgesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant