Chapitre 27

25 3 0
                                    

Les pilules furent aspirées dans la spirale infernale alors que j'appuyais sur la chasse d'eau. Timothée les regarda disparaitre, juste à côté de moi, et je ne savais pas encore si je voulais vraiment arrêter. Il y avait toujours cette petite voix dans ma tête qui me mettait en garde, qui me soutenait que je ne pourrais pas vivre sans ces antidouleurs.

« J'ai changé du tout au tout après mon accident, infligeant beaucoup de souffrances à ma famille. Je leur mentais sur mon addiction, je leur volais de l'argent pour la financer... C'était devenu ingérable, tous les jours étaient ponctués de tensions et d'engueulades. Je ne me reconnaissais plus non plus, pour être honnête. C'est ma tante qui a tiré la sonnette d'alarme et qui a conseillé à mes parents de m'envoyer quelque part où je serais suivit. C'est comme ça que je suis arrivé ici », il déclara, fixant le fond de la cuvette tout comme j'étais en train de le faire.

L'eau était calme désormais, et les petits cachets avaient complètement disparut. Il n'y avait plus de retour en arrière possible.

« Je ne me souviens même plus de quand j'ai commencé, c'était une consommation régulière mais plutôt classique... Je voulais juste me sortir mes problèmes de couple de la tête et tout ce qui allait avec. Après l'accident, avec l'état de mon bras, la douleur était trop intense et le traumatisme trop récent. J'ai trouvé beaucoup de réconfort dans la drogue tout au long de ma vie, et c'est pourquoi je l'ai toujours utilisée pour masquer la douleur. Mais je me cachais volontairement le mauvais côté de la médaille, les cauchemars, les états seconds, les hallucinations, les retombées, ... », je me lançais aussi, comme si on était en séance.

« Il vaut mieux régler les problèmes et soigner les blessures plutôt que de les cacher derrière un joli rideau. Vivre en bonne santé c'est important, créer des souvenirs, ne pas avoir des trous noirs en plein milieu de nos histoires »

Je me reconnaissais à travers ses mots, il parlait de ses propres expériences, son authenticité me rappelant les miennes. Ne pas pouvoir se rappeler de certaines choses, c'était probablement un des pires effets secondaires. Tous ces moments de vie perdus à jamais, ces visages, ces mots, ces sourires, ces sentiments et émotions, ces paysages. J'avais aussi oublié des disputes, des douleurs, des déceptions, mais à quel prix ?

« J'ai fait une overdose quand je vivais encore chez mes parents, je suis tombé dans les vapes en pleine soirée, j'aurais pu y rester si personne ne m'avait aidé à temps. A quoi ça sert de survivre à un accident si c'est pour se tuer soi-même à l'aide de médicaments ? J'ai réalisé avec le temps qu'il faut apprendre à saisir les chances qui nous sont offertes et aller de l'avant »

« Ma mère savait, ça la rendait malade, elle avait toujours peur pour moi. Depuis sa mort j'y pense beaucoup, j'aurais pu lui assurer une meilleure vie si je n'avais pas été aussi égoïste et stupide », je confirmais. « Elle ne l'avait jamais dit à mon père cependant, je pense qu'elle ne voulait pas me brusquer. Elle avait un grand cœur »

Tim sourit.

« Ça fait du bien de t'entendre parler de ta famille, pendant longtemps c'était comme si tu étais orpheline ou n'avais pas eu de vie en dehors de Saint Georges. Et j'imagine que c'est ce que tu voulais ressentir au début, mais malheureusement pour toi, notre petit groupe ne fait pas dans les tons de gris »

« C'est vrai, vous m'avez tirée de cet enfer sans hésitation... Je suis plutôt heureuse ces temps-ci, même au milieu de l'hiver »

« Qui n'aime pas l'hiver en même temps ? Toute cette neige », il dit comme un enfant, des paillettes plein les yeux.

« On pourra organiser une bataille de boules de neige quand il y aura une bonne couche »

« C'est une excellente idée ! »

Saint GeorgesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant