« Pourquoi est-ce que tu es encore seule dans une salle de classe vide ? », déclara une voix familière derrière moi.
Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir qu'il s'agissait de Mathéo. C'était un peu notre petit rituel, et sa voix était si reconnaissable désormais. J'avais loupé le repas de midi, ma tête remplie d'une centaine de pensées, me donnant la nausée. Tous les sentiments que j'éprouvais par rapport à ma mère et sa mort que j'essayais d'enfermer dans une bouteille hermétique étaient en train de s'échapper.
J'avais fait de mon mieux pour les garder enfuis depuis son décès, mais la vérité commençait à frapper à ma porte. Maman était morte, papa était en prison, et j'étais seule.
« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Cass m'a dit que t'avais eu une cession ce matin »
Je l'entendis s'approcher, mais je continuai à regarder par la fenêtre. La chaise grinça sur le sol alors qu'il s'asseyait devant moi, de l'autre côté de mon bureau.
« On a plongé loin dans le passé », je finis par répondre, mon regard refusant de croiser le sien.
« Je vois... », il soupira.
Il ne semblait pas exaspéré, c'était plus de la compassion qu'autre chose. Peut-être un peu de tristesse aussi. Je risquais un coup d'œil dans sa direction, il me fixait de ses magnifiques yeux de glace. Je fuyais son regard une seconde fois, je ne pouvais pas regarder qui que ce soit dans les yeux actuellement, je ne voulais pas me mettre à chialer comme une enfant.
« Vous avez parlé de quoi ? Tu peux rester vague si tu veux »
« Ma famille », je répondis, ma voix bien moins assurée que d'habitude due à ma gorge serrée.
« C'est bien que tu aies repris les séances avec Mme. Thomas, tu progresses. Mais tu devrais aussi faire confiance à tes amis », il déclara d'une voix douce.
J'avais l'impression qu'il voulait prendre ma main dans la sienne ou m'enlacer. Mais il n'en fit rien, il resta immobile.
« Est-ce que tu peux au moins me regarder ? », il tenta, plutôt désespéré.
Cela me rappela le jour où il m'avait dit que mon silence constant le frustrait tellement. Je savais que je n'étais pas facile à cerner ou à supporter, mais il n'avait pas abandonné depuis que j'étais arrivée ici. Pour lui, pour sa persistance, je tournais mon regard dans sa direction. Je pu apercevoir la surprise se dessiner sur son visage, il ne s'y attendait probablement pas. Il semblait à nu actuellement, toutes ses émotions étaient écrites dans ses yeux et il n'en avait pas honte. Il s'inquiétait réellement et mon état d'esprit affectait le sien.
« Tout le monde se brise à un moment, ne pousse pas dans cette direction », il dit sincèrement.
« Mon père est en prison, c'est pour ça que je ne vais pas au mieux ces temps-ci », je répondis, y allant une révélation à la fois.
Cette fois-ci, il ne se retint pas, ses mains glissèrent sur le bureau, venant chercher les miennes. Il les caressa doucement de ses pouces, ne les lâchant pas. Je les regardai, puis le regardai lui.
« Mon cousin est mort alors que je n'étais qu'un jeune adolescent, je comprends ce que ça fait de voir les gens qu'on aime s'éloigner de nous par la force des choses », il répondit, offrant une information personnelle contre la mienne pour que je ne me sente pas seule.
Je le regardai avec des yeux amplis de tristesse, mettant sa douleur avant la mienne comme j'avais l'habitude de le faire, parce que je ne voulais pas m'occuper de mon cœur.
« Ne me regarde pas comme ça, je m'en suis remis, de l'eau a coulé sous les ponts. Mais je peux sentir que ta douleur est bien plus récente », il déclara. « Je connais cette tactique, prioriser les problèmes des autres pour se convaincre que les nôtres ne sont pas réels. Ça fait plus de mal que de bien, ce n'est pas sain »
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Saint Georges
Teen FictionAprès l'incarcération de son père et la mort de sa mère dans un accident de voiture, Zoé arrive à Saint Georges, un lycée pour les jeunes délinquants ou turbulents perdu en pleine campagne. Faisant face aux blessures de l'accident et aux séquelles d...