Ma venue dans « leur » maison

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C'est la quinzième fois que je passe par cette avenue. J'ai pu lire à travers un panneau d'affichage que le quartier s'appelle Santhiaba Sud. Je me suis bien dit qu'il y aurait certainement un autre quartier qui s'appelait Santhiaba Nord. Ou bien qu'il existait beaucoup d'autres Santhiaba. Cette grande demeure qui concurrence, sûrement, les grands gratte-ciels européens et américains me laisse pantois tellement la décrire exige une grosse débauche d'énergie. J'appuie sur la sonnette, bien-sûr, cette clochette dont on se sert pour appeler ou pour avertir de sa présence. Une belle dame, la quarantaine d'années, sort pour s'imprégner de celui ou de celle qui la dérangeait à pareille heure de la journée. Louga, capitale du Ndiambour, singe les affres du soleil à cette heure de la journée. La dame ne veut pas, pense-je, parler avec un jeune homme de ma trempe. Deux mondes nous opposent ; sa silhouette décrit une personne nantie qui ne connait rien des problèmes du monde ; la mienne élucide un jeune campagnard qui a souffert des affres de la pauvreté quand l'hivernage devenait rare. La façon dont elle me regarde laisse présager un sentiment de discrimination. On dit souvent que les personnes de même classe sociale doivent être ensemble. Tout de même, et d'une voix rauque, c'est bizarre qu'une femme parle avec une voix masculine de cette sorte, elle s'adresse à moi.
- Que puis-je faire pour vous ?
- Assalamou hanleykhoum maman !
- Je vais bien, que voulez-vous ? Elle ne répond même à mes salutations.
- Je prends quinze à vingt secondes, peut-être, une minute, pour regarder la virulence avec laquelle parle cette raffinée dame. Comment une personne peut-elle être si avare en propos à tel point qu'elle ne réponde pas à des salutations combien pieuses ? Je n'ai pas le temps de rechercher des réponses à ma question. Elle élève le ton pour une dernière fois.
- Pour une dernière fois, je te le dis. Que voulez-vous ?
- Je cherche du travail. Je n'ai même pas le courage de regarder une fois de plus cette belle dame. Je me suis trompé de maison. Ici, on ne veut pas de personne de ma classe sociale. La pauvreté, quelle guenille dure à porter.
- Quel genre de travail ? Je peux affirmer que sa question est une sacrée surprise. Je ne m'attendais pas à cette question.
- Je peux faire beaucoup de choses. Je veux juste aider ma mère restée au village. Je suis son seul fils et je dois subvenir à ses besoins. Donnez-moi n'importe quel travail et je vais vous satisfaire. Je peux faire la vaisselle, nettoyer les carreaux et vitres, faire le linge, s'occuper de vos animaux domestiques. S'il vous plaît, aidez-moi. Je vous en conjure tata. Depuis des semaines, je marche. Je dors là où me trouve la nuit. Je peine à trouver quoi manger. Toutes les maisons où j'ai pu sonner n'ont pas su m'aider. Vous êtes mon dernier espoir, l'espoir de ma mère.
La dame pince son regard effrayant sur moi. Elle me regarde de haut en bas, scrute mes gesticulations, se dit, peut-être, que je mente ou je dise la vérité. Elle est la seule qui peut me traduire son diagnostic.
- Comment tu t'appelles ?
- Hun ! Quoi ? Je perds sur-le-champ mes mots. Je ne sais plus mon nom. Je me sens si content de cette nouvelle question. Je m'appelle Boulaye. Oui je lui réponds comme-ça.
- Je te sens un peu dérangé. Tu ne peux même pas me donner ton nom et tu veux travailler dans ma maison.
- Ce n'est pas ce que vous croyez madame. Je suis juste surpris que vous me demandiez mon nom. Personne ne me l'a demandé avant. Je suis désolé.
- Boulaye comment ? Elle est bizarre, quand même, cette bonne dame. Tantôt, elle sourit, tantôt, elle donne l'impression d'être aigrie. Je ne sais pas pourquoi elle me semble dérangée. Je suis très con. Mieux vaut que je me concentre sur l'essentiel.
- Sène ! Oui Boulaye Sène ! Je m'appelle Boulaye Sène et j'habite dans un village très reculé.
- Ça fait un moment que je cherche un domestique. Si tu veux être le boy de la maison. Je peux bien te prendre.
- Je suis d'accord. Je veux juste travailler comme je vous l'ai dit à l'entame de mes propos. Je vous assure que vous serez contente de moi.
- Combien veux-tu que te paie mensuellement ?
Pour une première dans ma vie, je dois négocier avec une personne. Je me sens important. Quelle somme dois-je dire ? C'est une question difficile à répondre car je ne veux pas lui dire une somme qui la ferait douter de moi. Cinquante mille francs, ça doit faire l'affaire .
- Cinquante mille francs par mois. J'espère que ça vous convient ?
La dame sourit. Elle se dit sûrement que je suis très gourmand. Misère ! Je devais lui dire trente mille francs.
- Je te paierai cent mille francs par mois.
- Quoi ? C'est trop madame. Je hoche ma tête. Dieu sait que je mens, je suis heureux d'entendre cette somme.
- Tu peux entrer. Je vais te présenter la maison.
- À vos ordres tata.
- Tu peux m'appeler Tata Chimène.
- Okay Tata Chimène

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