REVANCHE

Fin ou faim de l'histoire ?

Mon histoire n'est pas un conte de fées, je l'admets. Il est la suite illogique de faits impensables, d'émotions inenvisageables, de changements inestimables. Je suis, moi-même prisonnier, des moindres nouveautés qui s'invitent à ce récit. Je suis kidnappé dans un labyrinthe, tous les chemins se ressemblent, un seul mène à la gloire et au triomphe. Je veux savoir si quelqu'un a déjà vécu ou entendu une histoire pareille où imbriquées les unes des autres, les thématiques qui s'y voguent sont empreintes de conséquences. Il doit y voir quelque part dans le monde une famille qui a laissé une empreinte noire à l'histoire ; une tâche qui se fait colorier par la famille de Tonton Birima. Vous savez, j'ai pris des risques qui ont fait naître des vérités enfouies depuis longtemps dans les commodes de l'oubli. Dans les annales du bouddhisme et dans plusieurs religions orientales, il existe ce cycle des causes et des conséquences lié à l’existence des êtres sensibles : on l'appelle le karma. Ma vie n'est-elle pas une illustration d'un karma qui, dans une autre planète, une autre sphère, un autre environnement, dans une autre époque de l'histoire, s'est présentée, vécue et racontée ? À moins que le diable ne soit derrière chaque personne que je côtoie, je ne peux pondre une explication rationnelle. La raison n'a plus raison. La raison perd son essence. Comment expliquer le fait que toute personne qui entre dans ma vie se trouve liée à une autre personne déjà présente dans ma vie ? Je ne faisais absolument pas de quiproquos quand je disais que nous tenons tous un livre, celui de la vie, celui de notre vie ; un livre avec des personnages, chacun d'eux faisant écho de ses traits caractéristiques ; certains personnages viennent et partent alors que d'autres viennent et restent ; chaque personnage est important pourtant, les adjuvants qui nous aiment en tant que héros, les opposants qui nous considèrent comme ennemis ; même les personnages silhouettes qui ne viennent que sommairement nous donnent envie de continuer à le lire ; notre livre nous appartient, à nous d'en faire le meilleur usage possible. Est-ce que vous vous attendiez à une telle tragédie ? Tonton Birima est le père de Yamar et celui de Hermione. Yamar et Hermione sortent ensemble. Une relation incestueuse qui se déclare sous l'impulsion d'une vengance concordée, ordonnée et coordonnée. Je retrouve ma place avant que Tata Joséphine ne se rende compte de ma présence.
— Boulaye ça va ? Je suis rentrée et revenue de la cuisine mais je vois qu'il y a une élévation dans ta pression sanguine, c'est une façon de dire que tu me parais ébaudi.
Si tu savais ce que je viens de découvrir, je t'assure que tu allais mourir ici et maintenant. J'observe le galbe fastueux et charmant de Hermione et je vomis de honte. Elle ne mérite pas d'être la fille de ce violeur de Tonton Chimène et le frère de cet imposteur de Yamar. La douceur de sa mère ne peut pas hypothéquer son avenir. Tata Joséphine doit avoir le courage de dire la vérité à sa fille. Vingt-trois ans dans le mensonge, une fille comme Hermione ne doit pas vivre ça. Je suis pris entre deux couvercles, le premier cache la vérité, le second assombrit le mensonge. Je ne suis pas n'importe qui aux yeux de Hermione. Si je ne lui dis pas la vérité et que demain, elle parvient à la connaître, je serais responsable de toute colère dirigée contre moi. Si je lui dis la vérité, je n'aurais pas la chance de compter sur elle pour que Yamar éjecte certaines preuves pouvant m'aider. Je suis vachement consterné chère Hermione mais t'es ma seule source d'espoir pour que ma maman soit éternellement contente et fière de moi. Je sais aujourd'hui que je suis une mauvaise personne, une personne qui ne connait rien de l'amitié, une personne comme les autres, une personne qui n'est pas meilleure que ses ennemis. Maman, je fais tout ça pour toi. Maman, je t'aime beaucoup. Maman, je peux mourir pour toi.

Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Hermione. Elle est ravissante dans sa robe évasée. Ses amis et proches sont tous présents. Elle est très épanouie ; les cadeaux pleuvent sur elle ; elle ne se soucie de rien ; sa mère qui ne cherche que son bonheur est isolée malgré tout. Je peux ressentir ses émotions car elle a menacé Tonton Birima. Celui-ci ne viendra pas à l'anniversaire de sa fille. Que fera-t-il quand il saura que ses deux enfants sortent ensemble ? C'est la pire des punitions qui existent dans ce monde.
— Tata Joséphine, pourquoi êtes-vous dans cet état ? Les autres sont dans le salon et la fête est majestueuse.
— Mon fils Boulaye, parfois les erreurs des parents tombent sur la tête des enfants ; ces derniers sont innocents et ils sont dans l'obligation de consommer des vérités amères.
J'ai tout compris Tata Joséphine. Je sais ce que tu ressens. Je ne te juge pas. Je suis sûr que tu regrettes au plus profond de toi ton mensonge. Je vais jouer le jeu, je dois vraiment jouer le jeu.
— Je ne comprends rien Tata Joséphine de ce que vous dites. Je sais juste que vous êtes une belle et bonne maman. Tout enfant rêverait que vous soyez sa génitrice. Ne vous mettez pas dans cet état ; aujourd'hui c'est l'anniversaire de votre fille. Pour elle, vous devez oublier toutes vos craintes.
— D'accord mon fils, je vais vous rejoindre dans la salle.
C'est le moins que je peux faire pour que l'anniversaire de Hermione ne se gâche pas. Je lui dois au moins cette faveur.