Le sang ne ment pas

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Elle ne sait pas qu'elle est dans la gueule du loup. Si c'est aujourd'hui que tout doit sauter, je préfère que cette bombe nous anéantisse tous. Je suis à trois pas de Tata Chimène. Je peux constater son grelottement. Sa sueur ensevelit tout son corps. Elle semble désemparée, elle l'est plus que moi. C'est ce qu'elle pense alors que ce n'est pas le cas. Pourquoi la gent féminine pense toujours que les hommes sont ténébreux et aptes à tout subir ? Nous avons également nos caprices, nos craintes, nos peurs. Nous aussi croupissons généralement sous l'emprise des crises émotionnelles. Nous subissons les assentiments et les mêmes passions. Il n'y a pas de cœur d'homme ou de femme, il n'y a qu'un cœur d'humain. Aucun cœur ne peut rester dans un tourbillon pierreux quand les douleurs l'ensevelissent Je tends ma main pour attraper le cou de Tata Chimène. Je veux arrêter sa respiration. Je ne veux pas qu'elle s'asphyxie. Je veux qu'elle meure. Je ne sais pas comment elle a esquivé ma main. Je la vois juste à côté de la porte. Si vous voyez bien, dans cette maison, les portes cachent des mystères. Tata Chimène reprend son souffle. Elle reprend ses esprits. Elle me demande de me cacher dans la salle de bain. J'accepte sans prononcer un son. Je me retrouve dans une prison dorée, une prison plus commode que la citadelle du silence. Contemplez bien avec moi cette chasse, ce lavabo, ces carreaux blancs. J'espère juste qu'ils m'accueillent dans leur palais. Ne me suivez pas dans mes folies. En plein moment de doute, j'adopte la posture d'un baobab qui rayonne au milieu de la forêt.
— T'es de retour mon amour ? J'espère juste que tout se passe bien ? Je pensais que vous allez revenir demain ? Tata Chimène souffle l'air d'une machine qui ratiboise ses questions incessamment.
— On a écourté notre voyage. Astou ne se sent pas bien. Mais qu'est-ce qui se passe ? Tu me sembles assez dérangée.
Tonton Birima n'est pas fou à ce point. Il ne peut pas mettre sous silence l'attitude de sa femme. C'est facile de savoir qu'une personne mente car elle reste en déséquilibre. Donc je me demande pourquoi les autres n'arrivent pas à déchiffrer ce que cache. Ou bien suis-je différent des autres ? L'adage dit que c'est l'exception qui confirme la règle. Je suis donc l'exception qui confirme cette règle.
— T'as pas à t'inquiéter. J'étais dans la salle de bain. C'est pourquoi j'ai tardé à ouvrir. Je suis désolée. Tata Chimène mentit pour sauver son honneur, peut-être aussi, le mien.
— Je dois d'ailleurs aller dans la salle de bain. Je veux prendre une bonne douche. Je suis très fatigué.
Les propos de Tonton Birima sonnent mon glas. Je tremble dans la salle de bain. Je n'essaie même pas de penser au tremblement de terre qui risque de se créer sous peu. Tonton Birima prend sa serviette pour rejoindre la salle de bain. Tata Chimène ne fait rien pour l'arrêter. Je suis foutu. Je me prépare en conséquence. Je prends un bâton, je décide de lui donner un coup dés qu'il entre dans la salle de bain. La main de Tonton Birima est sur la serrure. Aussitôt son portable sonne. C'est le Ministre du Commerce qui l'appelle. On ne fait pas attendre une autorité de son envergure. Il prend son téléphone et sort de la chambre. Je ne sais pas pourquoi il ne veut pas répondre en face de sa femme. Sûrement il cache lui aussi des trucs en ce sens que dans cette famille tout le monde a une double vie. Comme je suis turbulent. Au lieu de sortir avant qu'il ne revienne, je reste là à cogiter. Mon attitude agace Tata Chimène qui me demande de sortir rapidement.
— Dieu nous a sauvés. Elle s'exclame.
Quand est-ce que cette femme va arrêter de me parler de Dieu ? Je ne vais pas me répéter. Je sors et croise Nabou. Elle pense que c'est sa mère qui m'a appelé dans sa chambre comme d'habitude sauf qu'elle ignore la raison.

Il s'en suit une semaine et les habitudes routinières gardent leur emplacement. Je suis reparti à la gare ferroviaire pour en savoir plus de la relation qu'entretiennent Marody et Yamar. À ma grande surprise, je suis informé de son arrestation. Je décide un de ces jours de lui rendre visite en prison. C'est ce mercredi que les visites sont autorisées dans la maison d'arrêt et de correction. Le garde pénitentiaire achemine Marody vers moi. Son stupéfaction est profonde lorsqu'il m'a vu. C'est normal car il ne s'attend pas à une visite comme la mienne. On n'est pas les meilleurs amis du monde. On n'a jusque-là été lié que par une relation de vendeur et d'acheteur. Il s'assoit en face de moi. Le garde pénitentiaire lui enlève les menottes. Je lui demande les conditions dans lesquelles il est. Ça ne m'intéresse pas ce qu'il vit en prison. Qu'il soit bâillonné par les criminels, piqué par les moustiques, c'est son affaire. Je respecte les bonnes manières pour lui tirer les vers du nez. Je veux qu'il se sente impressionné par ma visite de « courtoisie ». Je conseille à Marody d'être endurant et de croire en Dieu. Tout cela pour maximiser mes chances d'avoir des réponses solides.
— Mon frère, connais-tu Yamar ?
— Quel Yamar ?
Certainement, il en connait des milliers car beaucoup de jeunes d'aujourd'hui consomment des stupéfiants. Je lui fais la description de Yamar. Je n'ai omis aucun trait physique et moral de sa personnalité.
— Pourquoi tu me poses cette question ?
Marody n'est pas dupe. Sa question est pertinente. Ma réponse doit également être convaincante. Je lui dis juste que Yamar m'a fait beaucoup de choses mais que je ne peux pas lui en dire plus pour le moment. C'est mon jour de chance car Marody a aussi un virulent désir de vengance envers Yamar. Il promet de m'aider à la seule et unique condition que je le fasse sortir de prison. Quel doméram ! Quel prétentieux ce va-nu-pieds ! Qui lui a dit que je suis un libérateur de prisonnier ? Ce qu'il me propose est à prendre ou à laisser.
— Je ne suis pas ton ami. Je n'en ai pas. Je veux qu'on joue carte sur table. Je connais beaucoup de choses sur Yamar. Si je parle, sa vie entière serait détruite mais je ne veux pas précipiter les choses aussi je ne peux pas parler en prison. Fais tout pour me sortir de ce trou à rats et je t'assure que tu ne vas pas le regretter. On a un ennemi commun mais ça doit être gagnant-gagnant le partenariat.
On ne fait pas affaire avec un dealer je sais. Je ne sais pas non plus par où je dois passer pour que Marody ne purge pas sa peine. Cinq ans d'emprisonnement, c'est trop et je ne peux pas attendre tout ce temps.
Je pars raconter ma conversation avec Marody à ma mère. Elle me signifie qu'il a des amis avocats qui peuvent m'aider. Il faut qu'on fasse vite car on est en train de perdre beaucoup de temps pour rien.

REVANCHEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant