Le temps semble suspendu.
"Ca va.. Ca va."
Les mots de Chifuyu sonnent faux dans la forêt trop vide, trop sombre, au creux de laquelle la violence est retombée.
Et Baji se demande jusqu'où Chifuyu est capable de se laisser tomber pour les autres.
Il a le sentiment que le monde entier part à la dérive, que rien n'est réel, que la réalité s'effondre. Il y a la rage et la haine et cette putain de hargne incontrôlable et violente. Et il tremble, putain il tremble parce que d'un autre côté, est-ce qu'il peut ? Est-ce qu'il peut réellement en vouloir à Mikey ?
Non.
Mais il peut en vouloir à la violence de l'univers, qui lui a foutu la merde sous le nez et lui impose tout ce qui en découle. Il peut en vouloir à Draken, de ne pas avoir essayé d'appeler plus rapidement Chifuyu, plus souvent, plus longuement. Il peut en vouloir à Mitsuya, de ne pas avoir réfléchi à la possibilité que tout parte en couille rapidement, si putain de rapidement. Il peut en vouloir à Emma, de ne pas avoir vu plus tôt, putain c'est elle qui est censée connaître son putain de frère. Il peut en vouloir à ces putains d'enculés de merde, putain d'introuvables, putains d'irreconnaissables, putain de faux inconnus. Baji a le sentiment que le monde entier lui envoie des milliers de signaux, qui le poussent à bout. Il a le sentiment, l'émotion, le ressenti que putain, il devrait être en train de hurler. Il va foutre le feu à la putain de forêt, il va foutre le feu à sa putain de vie, il va foutre le feu au putain d'univers et tous ses sens sont putains de stimulés. Trop grand, trop fort, trop vite.Il est agenouillé près de Chifuyu, les mains posées sur les cuisses et les yeux rivés sur le flou des traits de son visage, brisés entre l'ombre de la nuit et le gonflement des coups. Il n'arrive pas à donner un fil à ses pensées, parce que les émotions contrôlent tout. Les émotions prennent toujours le dessus, tôt ou tard et elles sont si vives, ce soir, si violentes, que son corps n'y répond plus. Il n'entend que le souffle irrégulier de Chifuyu, qui manque d'air autant qu'il coupe sa respiration pour ne pas gémir, ne pas se plaindre, ne pas inquiéter. Il a mal, si putain de mal, il sent son visage gonfler, le goût du sang dans sa bouche, la douleur émanant de ses côtes se diffuse dans tout son corps. Il est incapable de bouger, incapable de parler, fait de son mieux pour se calmer, rester calme, ne pas laisser la panique prendre le dessus. Parce que ce n'est pas le moment. Ce n'est pas le moment, ce n'est pas l'instant.
Elle a appelé une ambulance.
Elle a envie de s'effondrer en larmes.
Emma est assise de l'autre côté de Chifuyu, les yeux rivés sur lui, les genoux contre la poitrine, les bras autour de ses tibias. Elle ne sait pas quoi faire. Elle ne sait pas ce qu'il se passe. Elle ne s'était pas rendue compte de l'ampleur de la violence. Depuis combien de mois la violence est-elle silencieuse pour exploser si fort aujourd'hui ? Pourquoi, putain, pourquoi personne n'a l'air si surpris que ça arrive ? Pourquoi a-t-elle l'impression d'être la seule aussi choquée, bousculée, sidérée ? Elle ferme les yeux, pose son front contre son genou de longues secondes, qui deviennent des minutes, avant de laisser les pleurs prendre le dessus. Elle a la gorge nouée, ses épaules sont prises de secousses et elle sanglote.
Après quelques minutes, Draken serre de nouveau Mikey contre lui. Parce qu'il en a besoin. Il en ressent le besoin profond, presque instinctif, pose son front contre l'omoplate du jeune homme, le serre délicatement. Il se force à respirer profondément, lentement, essaye de faire le vide, ne pas se laisser envahir.
Qu'est-ce qu'il est censé dire ?
Qu'est-ce qu'il va faire ?
Qu'est-ce qu'il y a à faire ?
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dégénérescence
FanfictionLa fatigue et la violence de la veille se font ressentir. « Bref. Parlons du rassemblement du Toman de demain soir. » Draken sent Mitsuya se tendre près de lui, entend le léger soupir qui traverse ses lèvres. Lorsque son regard parcourt le visage d...