putain d'incapable

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Lorsque Mikey se glisse à l'intérieur du bureau, la psychologue ne remarque rien d'autre que le sourire sur ses lèvres, rien d'autre que le pétillement dans les yeux du jeune homme. Elle ne peut s'empêcher de finement arquer un sourcil, de laisser un sourire se dessiner sur son visage à son tour.

La bouilloire fume derrière elle, la tasse est déjà prête, un sachet de thé aux fruits rouges infusant tranquillement, accompagné d'une cuillère de miel. Elle le laisse s'installer, retirer son manteau, s'asseoir sur le siège et elle remarque que Mikey s'asseoit sur le dos de ses mains, fixe ses pieds, a de fins mouvements d'avant en arrière du haut de son corps.

Mais même la tête baissée, elle voit son sourire.

Alors elle décide de laisser son bloc-notes où il est, sur le bureau et prend la parole :

"Comment tu te-

- On s'est embrassés."


Le jeune Sano lève vivement la tête vers elle et il laisse éclater son sourire. Et la psychologue sourit à son tour, hoche la tête pour l'encourager à continuer. Alors Mikey rit et son rire semble éclairer la pièce, alors qu'il reprend, ses mouvements d'avant en arrière de plus en plus ample et fur et à mesure qu'il parle :

"On s'est embrassés pour de vrai. Pour de vrai, vrai, vrai. Pas comme cette fois à l'hôpital où j'étais pas prêt et je ne savais pas et je ne pensais pas que ça allait arriver. Non, cette fois c'était vrai, c'était réel, c'était.. Il m'a dit qu'il m'aimait et je lui ai dit que je l'aimais aussi. Et on s'est embrassés et c'était.. C'était vraiment, vraiment, vraiment beau. Et je l'aime vraiment, vraiment, vraiment beaucoup et je crois que lui aussi. Et c'est trop bien, c'est trop trop bien. J'ai l'impression d'avoir 6 ans quand j'en parle, je sais que j'ai l'air d'un abruti mais.."

Mikey se pince les lèvres quelques instants, reste silencieux. Il retire ses mains de sous ses cuisses pour se pencher, saisir la tasse posée devant lui. Et il sent ses doigts trembler, il réalise que son corps est pris de légers spasmes et il a l'habitude, ça lui arrive souvent ces derniers temps. Mais c'était toujours négatif, c'était toujours de l'anxiété ou de l'angoisse, c'était toujours des larmes et de la peur et de la colère et de la rage. Mais pas cette fois, pas aujourd'hui, pas maintenant.

"Mais je suis tellement heureux. Enfin, j'ai l'impression que quelque chose existe. Que quelque chose a du sens. Que c'est réel, que c'est bon, que j'ai l'autorisation de vivre vraiment, vous voyez ce que je veux dire ? J'ai.. J'ai l'impression que tout est plus beau. Que tout est plus grand. Que tout est.. Je ne sais pas. Je ne sais pas. J'ai juste l'impression d'être plus fort, plus grand, que je suis capable."

__

"Ken ?

- Oui ?"


Les semaines ont passé, puis les mois.

Le jeune Sano a repris du poids, a repris du courage et de la force. Il a repris l'habitude de sortir, de sa chambre puis de la maison. De voir du monde, de voir des gens. Il n'est toujours pas revenu au Toman, il n'a toujours pas repris sa place, parce qu'il ne s'en sent pas capable aujourd'hui. Il a l'impression d'avoir fait du chemin, il a l'impression que ça va bien, que ça va mieux. Chaque jour est plus simple que la veille. Chaque soir est plus difficile que le jour mais ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, il a appris à gérer, il apprend à se calmer seul, même si ce n'est pas toujours simple.

Il passe ses mains dans ses cheveux, assis en tailleur sur le canapé, au beau milieu du salon de la résidence principale de sa famille. Remplie de tant de souvenirs, rempli de tant de nostalgie. Ils sont seuls, il regarde Draken en train de découper des légumes. Et il se rend compte qu'il est silencieux depuis trop longtemps lorsque Ken pose une bonne fois pour toutes son couteau, contournant le plan de travail de la cuisine ouverte pour se rapprocher de lui.

dégénérescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant