vriller

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"Il faut qu'on le retrouve."

Il est presque 21h et la foule est impressionnante.

La nuit est lourde, les lumières fortes et chaudes sont au cœur du festival des étoiles. Des odeurs de sucre et de friture prennent l'espace et Draken aimerait pouvoir les accuser de son impression d'étouffer. Mais il sait. Il sait que c'est l'inquiétude qui est violente, il sait que c'est le temps qui passe sans aucune idée d'où est Mikey qui est agressif.

Emma hoche vivement la tête. Draken sait qu'il ne lui a rien dit, il sait que personne n'a osé lui parler de quoi que ce soit, en accusant l'idée que ce n'était pas à eux de le faire, alors qu'ils n'avaient tout simplement pas les putains de couilles de le faire. Mais il sait qu'elle ressent que quelque chose à changer, il a remarqué le creusement de ces cernes, il a remarqué l'inquiétude qui marquait son visage à chaque fois que son frère était le sujet de conversation. Et c'est le cas maintenant.

Baji s'attache les cheveux, Chifuyu glisse ses mains dans ses poches et Mitsuya déglutit avec peine en tournant les talons pour poser son regard sur l'étendue de stands, sur la foule, sur cet espace si grand qui porte en lui une teinte désespérante.

"On se sépare ?

- Peut-être qu'il est juste en train de manger à un stand ?"


La délicatesse de Chifuyu, dans ses mots et son ton, semble alléger le monde. Baji plonge son regard dans le sien, son silence dure quelques instants, avant qu'il ne lui adresse un doux sourire et hoche la tête. Peut-être qu'il a raison. Peut-être qu'ils sont en train de s'inquiéter pour rien, que rien n'est arrivé, que rien n'est en train d'arriver. Que tout ça est dans leur tête, qu'ils se sont trop habitués à l'enfer de ces derniers mois pour voir autre chose.

Alors ils hochent la tête, Draken regarde l'heure sur son téléphone avant de reprendre la parole :

"On se retrouve dans un quart d'heure ? Et s'il y a quoi que ce soit, on s'appelle."

Chifuyu n'est pas vraiment rassuré d'être seul. Il est un peu surpris de la rapidité à laquelle le groupe se sépare et il aurait aimé que Baji lui propose de rester ensemble. Il les regarde s'éloigner, les regarde prendre des chemins différents et il lève les yeux vers le ciel, quelques instants. Il n'a de toute évidence pas le temps de se poser de questions.

Le blond parcourt les stands en longeant le parking. Il esquive les enfants qui courent, cherche Mikey du regard et garde un œil sur son téléphone, au cas-où il recevrait un appel autant que pour suivre l'heure qu'il est.

Il sait.

Il sait ce qu'il s'est passé, il sait ce que le jeune Sano a vécu. Baji a fini par lui dire, après avoir insisté plusieurs jours. Il sait mais il a du mal à s'en rendre compte, il a du mal à réaliser, il a du mal à se projeter dans ce que ça fait, dans ce que Mikey doit ressentir. Alors il fait son maximum. Il fait son maximum pour ne pas faire de vagues, pour ne pas faire chier, pour ne pas poser problème et, à vrai dire, il a un peu culpabilisé après coup de ce qu'il s'est passé au cours du rassemblement, au début du printemps.

Il ne sait pas pourquoi, à ce moment-là, au bout de la lignée de stands, il tourne son regard vers la forêt. Il aurait été naturel d'aller à droite, de continuer vers les petits restaurants ambulants. Mais son âme l'attire vers la gauche, il a l'impression d'être aspiré vers cette direction. La nuit reprend ses droits, là, à l'orée de la forêt et Chifuyu hésite un instant avant de se diriger vers l'entrée du bois, dans le fin chemin qui mène vers le sanctuaire. Il abandonne les guirlandes et le bruit, abandonne la foule et les parfums. Parce que c'est sûrement là qu'il se serait rendu s' il avait perdu les personnes avec qui il était venu.

dégénérescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant