"Mana, va te laver les dents avec Luna pendant que je finis ça."
Takashi lève les yeux vers ses soeurs, pour s'assurer qu'elles obéissent et disparaissent de sa vue. Il les suit du regard, s'arrête de découper la carotte pour vérifier, à l'oreille, qu'il entend bien s'ouvrir le robinet de la salle de bain. Il attend, immobile, quelques secondes, avant que ne retentisse le son des gobelets qui s'entrechoquent puis, finalement, le robinet qui laisse couler l'eau. Il hoche lentement la tête, se concentre de nouveau sur sa découpe.
"Il est quelle heure ?
8h15.
Putain."
Mitsuya soupire, abandonne sa carotte, s'essuie les mains sur son tablier avant d'ouvrir le cuiseur à riz, récupérer les deux Bento et la grosse cuillère en bois. Il remplit soigneusement les deux boîtes avant de les déposer sur le côté, près de la fenêtre ouverte, dans l'espoir que le riz ait le temps de correctement refroidir avant que ses soeurs ne prennent le chemin de l'école.
"Désolé, j'ai complètement oublié de préparer leur repas hier soir.
Ce n'est rien."
Chifuyu est appuyé au rebord de la fenêtre et il joue, du bout des doigts, avec le chat de la famille. Baji hausse les épaules, assis en tailleur au sol, près de la table basse, le coude posé sur cette dernière et le menton au creux de sa main. Il regarde Mitsuya depuis quelques minutes maintenant et il se rend compte que ses cernes sont creusés et assombris. Il se rend compte que ses yeux sont rouges et il a remarqué, il y a quelques jours déjà, les plaques rouges et sèches qui gagnent la peau de son cou.
Il sait que Mitsuya ne va plus en classe depuis quelques jours maintenant. Depuis que Draken est à l'hôpital. Et ça va bientôt faire deux semaines qu'il ne s'est pas réveillé.
Ils n'en ont pas parlé.
Ils n'en ont pas parlé parce qu'après tout, ils restent des gamins d'à peine quinze ans et qu'ils font ce qu'ils peuvent. Baji n'a pas osé poser de questions, Mitsuya n'en a pas parlé de lui-même et Chifuyu ne se sent pas vraiment à sa place. Chifuyu se sent un peu en dehors du groupe et il sait que c'est normal ; il ne les connaît pas depuis si longtemps et, à vrai dire, à partir du moment où Baji est présent, il a un peu de mal à se concentrer sur autre chose que lui. Ce n'est pas qu'il n'arrive pas à parler aux autres, ce n'est pas qu'ils le rejettent, c'est simplement que, à l'instant où Baji est près de lui, il y a cette attraction et il ne peut rien faire d'autre que lui dédier son âme entière.
Cela fait bientôt deux semaines que Draken a eu son accident et Baji arrive à se rassurer en gardant dans un coin de la tête que tout ça n'est qu'un cauchemar et qu'il s'en réveillera bientôt. C'est à peu près la seule chose qui lui garde la tête hors de l'eau et loin du précipice.
Cela fait bientôt deux semaines que Draken est dans le coma et Chifuyu ne sait plus trop comment soutenir et aider Baji. Il ne sait pas quoi lui dire, il ne sait pas quoi faire, il ne sait pas comment agir. Alors il est simplement là, à l'écoute, et il fait de son mieux.
Cela fait bientôt deux semaines que les médecins sont incapables de leur dire quand Draken reprendra conscience et Mitsuya a du mal à ne pas se dire que tout ça ressemble à de l'acharnement de la part de l'Univers. Il ne sait pas ce qu'ils ont fait au monde, dans une vie antérieure ou dans celle-ci, pour mériter tout ça.
Mitsuya soupire, reprend la découpe de sa carotte après avoir jeté un coup d'oeil à la grande horloge dans son dos.
Il ne va plus en cours. Il se lève chaque matin pour accompagner ses soeurs à l'école avant de se rendre à l'hôpital, pour voir Draken, pour rester avec Keiji. Il ne va plus en cours parce qu'il sait très bien qu'il serait incapable d'écouter, de suivre, d'écrire, d'apprendre, pour la simple et bonne raison que, putain, il se passe trop de trucs dans son crâne, trop de truc dans ses pensées et il a l'impression que son âme est lourde.
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dégénérescence
FanfictionLa fatigue et la violence de la veille se font ressentir. « Bref. Parlons du rassemblement du Toman de demain soir. » Draken sent Mitsuya se tendre près de lui, entend le léger soupir qui traverse ses lèvres. Lorsque son regard parcourt le visage d...