dégénérescence

pour toujours

Mikey fixe Draken quelques instants, silencieux et immobile, avant de laisser un sourire se glisser sur ses lèvres. Il défait sa position, s'asseoit en tailleur, pose son coude contre l'intérieur de sa cuisse et son menton au creux de sa main. Puis il hoche lentement la tête avant de reprendre la parole :

"Moi aussi.

- Non."

Manjiro fronce légèrement les sourcils, cligne des yeux à plusieurs reprises. Et à l'instant où Draken saisit qu'il va reprendre la parole, il le coupe pour souffler :

"Non, tu- pas comme ça. Pas comme.. Pas comme deux amis qui se connaissent depuis longtemps. Pas comme un frère, pas comme deux ados qui passent du temps ensembles et qui s'apprécient."

Ken déglutit avec peine, détourne le regard quelques instants, se pince les lèvres, secoue la tête, cherche ses mots et le courage.

"Je-"

Il ferme les yeux quelques secondes, prend une profonde inspiration, rejette sa tête en arrière. Et il rouvre les paupières, ses yeux se posent sur le plafond blanc, il reprend la parole plus bas, plus doucement, et il aimerait pouvoir être capable de le regarder dans les yeux, pour qu'il le croit, pour qu'il soit sûr de le persuader, pour que Manjiro ne s'imagine pas un seul instant qu'il mente ou qu'il fait une blague.

"Je t'aime. Je t'aime vraiment. Je t'aime comme.. Putain, je suis pas un poète tu vois, j'ai pas vraiment de culture, je peux même pas te citer des exemples. J'ai même pas vraiment de repères parentaux d'amour donc je peux même pas me comparer. Mais je sais que je t'aime, je sais que c'est plus fort que tout le reste et je sais que c'est plus grand, puissant et doux que tout ce que je ne vivrai jamais. Je sais pas ce qui m'attend dans le futur, je sais pas ce que je vais vivre dans les prochains mois, dans les prochaines années mais je sais que je veux passer chaque putain d'instant de mes jours avec toi. Je sais que je veux t'emmener loin, dans un espace-temps où tu seras protégé de toute cette violence et de tout ce malheur et de tout ton passé. Je sais que je veux te rendre heureux, je sais que je veux avoir ta main dans la mienne, je sais que rien au monde ne pourra jamais me satisfaire plus que de t'avoir à mes côtés. Je t'aime. Je t'aime vraiment, je t'aime et je sais même pas vraiment quoi faire, quoi foutre de toutes ces émotions, de tous ces sentiments, de tout ce que je ressens à chaque fois que je te vois."

Draken se pince les lèvres un instant, grimace finement parce qu'il aimerait s'arrêter, il aimerait arrêter de parler, arrêter de se ridiculiser. Mais il a l'impression d'avoir ouvert son coeur et que ce qui en découle est un flot impossible à stopper. Le débit est important, l'amour est grand et lourd et il ne sait pas comment guérir à part en posant des mots dessus.

"Et.. Et tu sais, quand je ne me souvenais de rien, quand je venais de sortir du coma, quand je t'ai vu pour la première fois. Il n'y a rien eu d'autre que ça. Rien eu d'autre que toi et.. Et je n'avais aucune mémoire de toi, j'avais beau essayer de me rappeler, je ne trouvais ton visage dans aucun de mes souvenirs. Et pourtant je.. Je pouvais pas arrêter mon coeur de battre tellement fort et tellement grand à chaque fois que je te regardais. C'est.. Enfin, c'est pour ça que.. Enfin, je-"

Draken sent ses joues se teinter de rouge. Il grimace de nouveau, soupire, baisse finalement la tête pour regarder de nouveau le jeune homme face à lui. Et il rit finement, nerveusement, avant de souffler :

"Désolé. Désolé, c'est peut-être putain d'égoïste de balancer ça maintenant, puis c'est sûrement pas dans tes priorités de recevoir tout ça. D'entendre tout ça, d'écouter tout ça. Désolé. J'aurais pas dû, c'est juste que je-

- Ken."

Mikey se penche en avant, assez pour pouvoir poser la pulpe de son index contre le front de Draken, ses yeux plongés dans les siens, un sourcil légèrement arqué. Mais surtout un sourire sur les lèvres, un sourire qui semble donner une nouvelle teinte à son visage, une nouvelle étoile à son regard, alors qu'il reprend :