violence du monde

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« Baji. »

Lorsque le jeune homme pose son regard sur le blond au pas de la porte de la classe, épaulé au pan du mur, il sait. Mardi, 15h27, presque 30. Il se lève, s'attache les cheveux sans y penser, récupère sa veste et ne prend pas la peine de l'enfiler. Il sait. Baji traverse la pièce, se glisse aux côtés de Chifuyu et passe son bras au creux de son dos, fixe sa main d'une fine pression au niveau de ses hanches.

« T'écouteras jamais, hein ?

- Putain, ça.. »

Sa voix se brise et le brun a le sentiment que le corps de Chifuyu fait de même contre le sien. Il se penche légèrement pour entrapercevoir son visage, une légère inquiétude marquant ses propres traits. Le plus jeune regarde droit devant lui, essaye de retenir ses larmes, essaye de prendre sur lui. Baji saisit à ses côtés un souffle court et presque sifflant, un souffle entrecoupé de sanglots contre lesquels il sent un besoin de lutter. Mardi, 15h27, presque 30. Combien de fois ? Combien de temps encore ?

« .. fait trop mal.

- Plus que d'habitude ?

- J'ai envie de vomir, je galère à respirer, c'est l'angoisse.

- Je t'ai déjà-

- Ta gueule et accélère. »

Baji ne peut retenir un soupir, pince ses lèvres en obéissant. Bientôt, il pousse la porte des toilettes du troisième étage, la referme derrière lui avant de s'y appuyer pour empêcher quiconque d'entrer. Chifuyu se glisse devant lui, esquivant son regard alors que le brun saisit la manche droite de son pull trop épais pour la saison, l'aider à en sortir un bras, puis l'autre. Il détache son dos de la porte, passe le pull au-dessus de la tête du jeune homme à ses côtés consciencieusement, délicatement, tiquant légèrement de la lèvre lorsqu'il y aperçoit une grimace de douleur. Il remarque qu'au moins, le blond a été assez intelligent pour ne pas mettre ses dix couches de vêtements en sortant du cours de sport.

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« On va finir par en parler ? »

L'herbe est fraiche, le soleil commence à peine à se lever et Tokyo se réveille doucement. Le ciel a cette teinte orangée réconfortante, le silence du matin est rassurant. Manjiro est allongé au bas de la pente, les yeux levés vers le ciel, un bras croisé derrière sa tête et l'autre tendu vers l'herbe, pour en arracher les brins avec une pointe de nervosité. Le fleuve Sumida offre quelques fines étincelles au reflet du ciel et il serait tellement simple d'y plonger pour que le blond vérifie s'il est encore capable de ressentir quelque chose.

Lorsque Draken prend la parole pour prononcer ces quelques mots, il ne sursaute pas. Il n'est pas surpris. Il tourne légèrement la tête, pose son regard sur lui, reste silencieux quelques instants.

Le temps a passé depuis ce soir-là. Mikey a du mal à se repérer dans les jours, il ne saurait dire combien se sont déroulés devant ses yeux. Il a du mal à s'endormir, il a du mal à rester endormi. Lorsque les flash-backs et les cauchemars l'étouffent, il veut se lever, sortir, partir. C'est ce qu'il a fait il y a quelques heures et il se doutait bien que Ken viendrait le chercher en se rendant compte qu'il n'est plus là.

L'herbe est fraiche, le soleil commence à peine à se lever et Tokyo se réveille doucement. Maintenant que Draken est là, il réalise qu'il y a de plus en plus de voitures qui passent sur la route, de l'autre côté du fleuve.

dégénérescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant