dégénérescence

descente aux enfers

"Manjiro.. Manjiro."

Rien.

Rien n'existe rien n'a de sens il doit bouger mais il ne peut pas. Il doit parler mais il ne peut pas, il doit se construire un putain de sourire et avancer et dire que tout va bien et qu'il veut juste partir mais rien, rien ne se passe et il a l'impression que l'univers tout entier est un chaos total, que tout brûle autour de lui mais qu'il est incapable de faire quoi que ce soit.

Il est incapable d'agir, de réagir, il est incapable de sortir sa tête du putain de brouillard. Il sent la main contre son bras, il sent son corps se secouer, il sent qu'il devrait faire quelque chose mais rien ne semble réel, tout semble si lointain et si putain de violent en même temps.

Il ne sait pas combien de temps se déroule sous ses yeux. Des minutes, sans doute, des heures peut-être.

Keiji a raison.

Keiji a raison ils auraient dû le laisser crever ce soir là. Ils auraient dû le laisser dans sa merde, ils auraient dû l'ignorer. Peut-être que Draken ne serait pas où il est maintenant. Rien de tout ça ne serait arrivé.

Keiji a raison.

Il ne sait pas combien de temps se déroule sous ses yeux.

Bientôt, il sent ses jambes l'abandonner et il s'appuie contre le mur, juste derrière lui. Il en ressent le froid et il se laisse glisser au sol pour s'asseoir, là, comme un connard. Et rien ne semble réel.

__

"Hey..

Hey.

Désolé de pas être venu plus tôt je.. Ca a été pas mal compliqué ces derniers temps et..

C'est rien, c'est pas grave.

Je t'ai pas oublié, c'est juste que.. Le Toman est bien parti en couilles et moi aussi donc je savais.. Plus trop où donner de la tête et plus trop.. Quoi faire. Ni comment.

C'est rien.

Si, si, parce que.. Parce que je venais tout le temps et que j'ai arrêté sans te donner aucune explications. Désolé.

C'est pas grave."

Baji lève les yeux vers Kazutora, ses mains entre ses cuisses et il sait que le jeune homme en face de lui ment. Il sait comment son cerveau fonctionne, il sait que Baji lui a laissé trop de temps pour qu'il puisse rentrer dans ses pensées qu'il ne voulait juste plus le voir. Baji sait que le jeune homme s'est enfoncé dans le crâne qu'il ne venait plus le voir parce qu'il lui en voulait, parce qu'il s'est rendu compte qu'il n'en valait pas la peine.

Baji se pince les lèvres, soupire, baisse les yeux pour fixer ses genoux.

Il déteste être là, il n'y avait jamais pensé, jamais réfléchi mais c'est vrai qu'il déteste cet endroit.

Il déteste les murs et cette couleur verdâtre, qui donne l'impression que tout est en train de pourrir. Il déteste l'odeur de cette prison, il déteste cet arrière-parfum de malaise et de mal-être. Il a le sentiment que tout ici transpire l'angoisse et le désespoir. Il ne sait pas, il ne saurait pas comment expliquer mais il déteste chaque millimètre de cet endroit et il déteste que Kazutora soit seul, ici, entre ces quatre putains de murs.

Baji se dit souvent qu'il devrait être à sa place, tout du moins avec lui, et qu'il est vraiment égoïste de vivre dehors quand son ami n'a pas le choix de survivre ailleurs. Il a envie de poser mille questions, de lui demander comment il va, comment il se sent, si il est suivi par un psychologue ici. Si il arrive à garder la tête hors de l'eau, si la vie n'est pas trop dure, si il passe toujours ses journées seules, si il dort bien la nuit, si il se nourrit correctement. Mais a vrai dire, Baji a peur des réponses. Il a peur, parce qu'il sait que rien de positif ne sortira des mots du jeune homme face à lui.