CHAPITRE 4

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-Bonjour ! On est Samedi et il est déjà 9h ! PM dépêche-toi sinon on sera en retard !


J'essayai de me sortir de l'état brumeux dans lequel le sommeil m'avait plongé pour comprendre ces cris que je percevais et le pourquoi du balancement de mon lit. Ouvrant un œil, je ne fus pas surpris de voir Yélé prenant apparemment mon lit pour un trampoline ! Ah cette petite ! Une vraie boule d'énergie ! Qui l'aurait cru en la voyant deux semaines plus tôt cramponnée à Irène et presque muette ?! Depuis, elle avait bien pris ses marques et tous les employés la vénéraient pratiquement ! Même Aïssata qui détestait qu'on envahisse son territoire, la cuisine, ne pouvait plus se passer d'elle. Apparemment, Yélé aimait beaucoup « cuisiner », surtout les pâtisseries. Aussi chaque après-midi, Aïssata la réquisitionnait-elle en temps qu' « adjointe » pour l'aider à confectionner divers mets.

Mais revenons au présent ! Je fouillai dans mon cerveau engourdi pour avoir une idée de ce dont elle parlait. Ah oui c'est vrai ! Je lui avais promis qu'on irait Samedi au zoo ! Ce que j'avais complètement oublié ! Moi qui pensais faire la grasse matinée après cette nuit en boîte avec JP et Yves ! Eh bien, vu l'insistance avec laquelle Yélé me tirait le pied comme si elle arriverait à me sortir ainsi plus vite du lit, je sus que c'était mort !

-Ok ok ! Donne-moi 30 minutes et je suis à toi...Non arrête Yélé ! Pas la peine d'ouvrir les rideaux...

-Si ! Sinon, tu vas te recoucher c'est sûr !

-Oh ma tête !

-Fallait pas rentrer aussi tard c'est tout !

-Non mais attention Jeune Fille ! Tu parles à ton aîné !

-Un aîné qui me donne un bien mauvais exemple, rétorqua-t-elle en me tirant la langue.

Car en plus d'avoir une énergie débordante, elle avait un sens plutôt développé de la répartie pour une fille de son âge ! Elle me faisait presque penser à Maman parfois. Cette réflexion m'arracha un sourire. J'aurais bien aimé voir la tête de ma mère si je lui sortais ça. Quoique peut-être qu'elle ne le prendrait pas mal vu l'affection qu'elle semblait porter à Yélé. Depuis son départ chez ma Grand-Mère, elle appelait tous les jours, soit disant pour savoir si tout allait bien. Mais je la soupçonnais plutôt de le faire rien que pour le plaisir de discuter avec notre petite protégée. Elles bavardaient pendant au moins 30minutes durant lesquelles Yélé, qui est une vraie pipelette en passant, lui racontait toute sa journée. Bizarrement, elle ne craignait pas Maman et celle-ci semblait apprécier cela.

-J'ai demandé de l'EFFER...

-Quoi ? De l'EFFERALGAN ?

-Oui c'est ça ! J'ai demandé ça pour toi à Aïssata avec un verre d'eau.

-Et pourquoi ?

-Beh pour ton mal de tête évidemment, lance-t-elle en levant les yeux au ciel. J'ai remarqué que tu prenais ça toujours au petit déjeuner après une sortie avec tes amis. Alors aujourd'hui, je t'en ai envoyé pour gagner du temps. Regarde sur ta table de nuit.

-Ah ok merci...Non Yélé, ne claque pas la...

Trop tard ! Le bruit assourdissant de la porte résonna dans ma tête. Oh Mon Dieu, donnez-moi la patience de tenir ! Vivement que les parents reviennent pour que je puisse enfin me décharger de ce rôle de baby-sitter ! Durant les deux semaines qui se sont écoulées, j'avais dû faire le tour de tous les endroits susceptibles d'intéresser et d'occuper une enfant aussi curieuse que Yélé. En dehors de son fort sens de la répartie et de son trop plein de spontanéité, je devais reconnaître qu'elle était une petite fille très intelligente et très drôle à qui on s'attachait très vite. Elle était très débrouillarde aussi : elle se lavait, s'habillait, se coiffait les cheveux toute seule, toujours prête à rendre service à tout le monde. J'en arrivais à me demander si inconsciemment, ce n'était pas par peur de se sentir rejetée. Car c'est vrai que de ce qu'elle avait bien voulu me raconter de sa vie au Mali, j'avais une idée du manque d'affection dont elle avait sans doute souffert énormément : non seulement, elle était mise à l'écart et humiliée dans la famille de son oncle à cause de son albinisme et de son statut de « bâtarde », mais en plus, elle devait aussi essuyer les insultes, les moqueries et le mépris de tout le village ! Elle avait donc dû très tôt apprendre à se débrouiller toute seule. Heureusement que toutes ces maltraitances n'avaient pas réussi à brider son véritable caractère.

Yélé, Lumière de ma vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant