Nuit des fous ?

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Derrière ces accidents meurtriers se cachait quelque chose de plus lugubre encore... mon cœur en frissonnait de certitude.

Coincé dans le salon, le parchemin calé sur le secrétaire en bois de mon père, je le lisais avec lenteur, ne laissant échapper le moindre mot.

La clef du problème devait se trouver dans ses lignes... mais où?



Néanmoins, mon récit ne pouvait commencer à cet instant-là. Vous ne comprendriez pas..


Kilian de Griffenoire


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Peu de temps avant notre déménagement, mon père, Erik de Griffenoire, dénicha dans la cave de ses grands-parents un acte de propriété qui le désignait comme l'unique héritier d'une des plus importantes mines de cristal du royaume. Aux premiers instants, il crut à une affabulation orchestrée par mon arrière-grand-père qui ne cessait de lui rebattre les oreilles en ce qui concernait son emploi et ses revenus de roturier. Bien que des plus âgés en ces temps-là, ce vieillard n'avait rien perdu de sa vigueur et de sa fierté d'antan ! De noble naissance depuis plusieurs générations, notre famille dénigrait la carrière de mon père, qu'ils qualifiaient de déplorable, en tant que petit marchand de légumes et l'épouse, simple fille de fermier, qu'il s'était trouvé. Pour eux, il aurait dû suivre les traces de ses aïeux et continuer sur la voie des banquiers aussi fortunés que le nombre presque infini de carnets de comptes sous leur juridiction. Il se devait par ailleurs d'avoir à son bras une dame de haute naissance sachant mieux user de sa langue de vipère que de ses mains de travailleuse.

Ce fut pour ces diverses raisons que mon père n'hésita guère longtemps pour nous emmener à l'autre bout du royaume, et revendiquer cet acte de propriété que personne ne pouvait lui souffler.

Ses grands-parents tentèrent de le raisonner. Nous n'en comprîmes jamais le fondement, d'autant plus qu'ils refusèrent de nous donner des explications claires. Ils prétendaient simplement que mon père creusait notre tombe à nous renvoyer sur ces terres que notre famille avait fuies lorsque mon grand-père n'avait qu'une dizaine d'années. Mais rien de plus ne sortit de leur bouche...

— Ma famille et moi nous porterons bien mieux loin de toute cette arrogance avec laquelle vous ne cessez de nous rabaisser ! furent les derniers mots qu'Erik leur adressa.

C'est ainsi qu'en ce mordant hiver de mes dix-sept ans, je me retrouvais grelottant de froid dans une calèche aux roues dissymétriques qui ponctuaient le trajet de secousses maladives, en compagnie de ma sœur cadette, Yvie, et des quelques bagages capables de contenir dans l'étroit habitacle. Nos parents se tenaient aux côtés du cocher, faute de place à l'intérieur. J'hésitai encore sur celui que je plaignais le plus de cette situation : eux, affrontant le vent glacial de l'hiver, ou bien le cocher, contraint de supporter la langue bien pendue de mon père ? Un jour, peut-être, comprendrait-il que ses histoires rocambolesques ne l'étaient point...

Les hauts bâtiments de pierres grises de Dolafür, ma ville natale, se trouvaient à présent bien loin derrière cette marée de conifères, couverts d'une couche de neige aussi épaisse que les imposants gâteaux à la crème de mère. Mais rien que je trouvais de réellement intéressant à contempler... rapidement, le trajet me parut long et ennuyeux à mourir ! Las de ce paysage identique en tous kilomètres, j'observai mon reflet dans la vitre gelée.

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant