Descente aux enfers ?

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Le lendemain matin, je m'attelai donc à la tâche. Fenrir tantôt m'observait, tantôt se roulait dans la neige en lisière des bois, en compagnie de Fïr qui dissimulait sa haute carrure dans l'ombre des bosquets. Ces deux loups semblaient bien curieux... mais quand je les appelai une fois les travaux achevés, ils se montrèrent plus frileux. Les oreilles baissées et le regard craintif, Fenrir couina et se tapit dans la neige qui se confondait à son pelage. Dérouté, je coulai un coup d'œil à Fïr, qui se décida à avancer.

Avec assurance, il repoussa du museau la peau de cuir de l'ouverture et entra. À un doigt près, la trappe aurait été trop juste pour lui.

J'ouvris la porte et me glissai à sa suite dans le manoir pendant qu'il examinait l'espace, reniflant le moindre recoin et testant les tissus au sol. Il me paraissait plutôt satisfait.

Je l'abandonnai des yeux et m'agenouillai prudemment sur les peaux. D'une main, je soulevai la trappe de la chatière à loup. Une brise glaciale me gifla le visage, tandis que j'aperçus Fenrir qui attendait toujours dans la neige. Je le hélai, mais il resta tapi au sol.

Que craignait-il ? Je ne comprenais pas...

Je relâchai la cloison de peau et questionnai Fïr. Il ne dit mot et passa la tête par l'ouverture. Agenouillé sur le plancher, je me sentais d'autant plus minuscule à côté de cet énorme loup. Une boule d'anxiété tordant mon estomac, je sursautai malgré moi alors que Fïr glapit. Il rentra sa lourde tête sans rien en noter et se coucha sur les peaux.

Perplexe, je glissai un coup d'œil par la chatière et aperçu Fenrir qui nous rejoignait au galop. Je me relevai et m'éloignai de quelques pas de l'entrée avant qu'il ne déboule comme un fou furieux. Et je ne me trompai pas, car avec l'énergie d'un chiot, il s'engouffra par l'ouverture.

— Pourquoi n'a-t-il pas bougé plus tôt ? m'enquis-je un brin vexé.

« C'est moi qui commande à la meute pour l'instant,» déclara le loup noir déjà confortablement allongé sur les peaux.

Je m'assis à ses côtés et observai Fenrir. Pendant un moment, il tourna autour de nous et zigzagua d'un coin à un autre. Son attitude me rappelait vraiment celle d'un chiot surexcité.

«— Il est jeune. La moindre odeur le rend fou. Mais c'est un téméraire qui ne laissera jamais tomber son chef de meute. Et il sait que ce sera bientôt toi...»

Soudain, Fïr se crispa. Dans un couinement qui ne manqua pas de me faire sursauter, Fenrir s'empressa de se blottir dans un recoin de la pièce. Je les fixai tous deux, perplexe.

— Moi qui croyais que ce n'était que pour un petit loup...

Je tressautai derechef à l'entente de la voix de mon père, manquant de griffer d'un ongle l'oreille de Fïr que je caressais. Appuyé contre l'arche de pierre, Erik nous observait d'un regard perdu entre surprise et crainte.

Je baissai les yeux, ne sachant trop que dire. Pourquoi Fïr ne l'avait-il pas fui comme il l'avait toujours fait jusqu'ici ?

J'osai relever mes prunelles claires vers son visage, tandis que, peu sur, mon père s'approcha doucement et s'agenouilla face à Fïr. Il le scruta de son regard acéré, sans prendre le risque d'avancer davantage malgré la curiosité qui se peignait au fond de ses yeux. Bien qu'il ne bougeait pas, son comportement rendait Fïr nerveux... je le sentais à ses muscles tendus qui s'activaient contre moi.

— Impressionnant, finit par déclarer mon père dans un sifflement admiratif. Mais... ne serait-ce pas ce loup qui t'a attaqué par deux fois ? Presque trois même.

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant