Un bon chasseur signe toujours ses proies...

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Il faisait chaud.

Mon corps semblait lourd, recouvert d'une douce couverture de laine qui caressait mon torse nu.

Où étais-je ?

Quelle heure était-il ?

Je tentai d'ouvrir les yeux, mais mes paupières, engluées par un liquide solidifié depuis un bon bout de temps, résistèrent. Mes muscles ne m'obéirent pas davantage, tous aussi douloureux et usés. Dans un gémissement, je me résignai à renifler les odeurs alentour dans l'espoir de me repérer.

Une fragrance de bois se dévoila en première, délicatement parfumée d'un fond de menthe. Rien de bien exceptionnel, mais cela m'indiquait que je dormais probablement dans une maison bien douillette, loin des dangers mortels et incompréhensibles de l'extérieur.

Je tentai à nouveau d'ouvrir un œil. Ma paupière droite résistait toujours, tandis que la gauche sembla se décoller un tantinet.

J'insistai...

Et elle céda !

Je découvris un amas de couvertures en laine qui recouvraient bien mon corps, leur couleur au vert anis qui ne correspondait en rien aux goûts de ma mère. J'étais bel et bien dans un lit, mais certainement pas au manoir.

Après quelques efforts supplémentaires, ma deuxième paupière finit par s'ouvrir à son tour. J'en profitai pour découvrir la chambre qui m'entourait. De taille modeste, une décoration simple la colorait avec soin, mais pas forcément avec goût... en tout cas, pas du mien. Des rideaux au vert pomme lumineux, dont les fonds se terminaient en de fines dentelles beiges, me dissimulaient le paysage extérieur au pied de mon lit. Un tapis de laine, d'un bleu sombre qui ne s'harmonisait guère avec les étoffes vertes, gardait le seuil d'entrée, son battant ouvert en grand. Un pot de fleurs, posé sur mon chevet, m'en cachait néanmoins un mince bout.

— Il y a quelqu'un ? m'enquis-je, désorienté par cette pièce que je ne connaissais pas.

Mais ma voix se fit traitresse... À l'entente du piètre volume de mon ton chevrotant, plus ridicule que celui d'un ivrogne ayant chanté toute la nuit, je doutai qu'une tierce personne ne l'ait remarquée.

Je m'éclaircis la gorge et fis un autre essai.

— Quelqu'un m'entend ?

D'une meilleure tonalité, j'espérai une réponse.

Des pas résonnèrent au loin, claquant doucement sur le plancher. J'ouvris la bouche, mais toussai fortement avant de prononcer le moindre mot.

Les pas accélérèrent... et une femme apparut dans l'encadrement de la porte.

— Vous êtes enfin réveillé ! s'exclama-t-elle en s'agenouillant au pied de mon lit. J'ai bien cru que vous ne nous reviendriez jamais !

— Où suis-je ? marmonnai-je avec difficulté. Et qui êtes-vous ?

Ma gorge était si râpeuse que ma voix semblait sortir tout droit d'une tombe.

— Je vais vous porter une infusion et ensuite je vous raconterai tout.

Elle se releva prestement et tourna les talons sans un regard en arrière. Je n'avais guère d'autre choix que d'attendre...

En quelques minutes, elle revint, une tasse pincée entre ses doigts. Elle glissa sa main gauche derrière ma nuque et me fit boire. Bien que fumante, l'infusion restait tiède, loin de la mixture bouillante à laquelle je m'attendais.

— Votre gorge ira mieux maintenant, m'assura-t-elle en posant la tasse sur mon chevet, au côté du pot de fleurs.

Elle s'assit sur le bord du lit et me fixa de ses yeux noisette.

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant