Du même sang ! - partie 1

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Contre toute attente, mon père ne me confina pas dans la maison, mais il me fit clairement comprendre que mes escapades devraient se limiter au strict minimum. Pour moi, cela équivalait au même, seule la formulation changeait. Je tentai donc de lui faire comprendre que je ne souhaitais pas plus que lui me retrouver raide mort au milieu d'un sentier et que je ne ferais pas de folies. Mais il ne céda pas pour autant. Apparemment, j'étais ce qu'il qualifiait de tête de mule aussi téméraire qu'un chat jouant les fauves. L'image du concept me tira un sourire malgré ma frustration...

Coincé, je ne trouvais qu'une seule solution pour échapper à l'ennui de moisir dans un manoir encore peu rempli en lui proposant de le suivre durant la journée. Je lui vendis mon idée en vantant l'atout non négligeable de cette démarche concernant mon apprentissage sur son travail et, par ailleurs, mon futur héritage si nous restions en vie. Dans ces conditions, il accepta.

C'est ainsi que pour ce nouveau cycle de lune, je suivis mon paternel aux alentours de la mine de cristal. Je n'y avais encore jamais mis les pieds et restai bouche bée devant un spectacle aussi rare. Les bûcherons avaient dégagé un large espace à l'entrée de la caverne, laissant place aux rayons de soleil qui venaient s'écraser sur les surfaces angulaires des cristaux de l'ouverture rocheuse. Un ballet de reflets des plus majestueux éclairait les environs d'une palette de couleurs froide qui se perdait dans la végétation enneigée.

Des établis, ensevelis de caisses qui débordaient de cristaux, jalonnaient la zone dégagée devant la mine. Je glissai un regard à l'une d'entre elles, attiré par une curiosité purement cupide, quand mon père m'interpella.

— Pourrais-tu monter au sommet pour jeter un œil ? lâcha-t-il en désignant d'un hochement de menton une petite colline au-dessus de la mine. Des ouvriers travaillent à l'extérieur pour récupérer par un puits les bacs de cristaux des mineurs. Mais personne sur cette zone n'a encore reçu leurs chargements.

J'obtempérai docilement, n'ayant guère le luxe de refuser, et grimpai le sentier menant au-dessus de la mine. Le gel le rendait dangereusement glissant et je manquai de m'affaler de tout mon long à plusieurs reprises. Je jurai, frustré de progresser tel un vieillard, le dos courbé et les mains en avant.

Quand j'arrivai au sommet, les ouvriers semblaient bien ennuyés. Plusieurs d'entre eux piquaient le sol avec de longues tiges en ferraille, faute de pioches, tandis que d'autres évacuaient des tas de terre gelés à l'aide de brouettes.

— Que se passe-t-il ? m'enquis-je en me rapprochant.

L'homme à la tête du groupe, un trentenaire aux mains noires de suie et aux habits tout aussi sales, m'éclaira :

— Le gel de cette nuit a brisé les consolidations de l'excavation. Du coup, tout s'est écroulé ! Nous avons mis du temps pour dégeler le sol à coups de pioches, messire. D'ailleurs, nous les avons toutes cassées...

J'observai la zone de travail. En effet, sur une bonne surface, la glace s'effritait et laissait place à un petit puits.

— Je vais prévenir mon père. Peut-être aura-t-il une idée.

L'homme opina, prêt à partager son avis, mais je ne lui laissai pas le temps de finir. Je tournai les talons sans un regard en arrière et redescendis prudemment le sentier menant à l'entrée de la mine. Quand je lui rendis compte de la situation, mon père ne sembla guère surpris.

— Je me doutai que ce genre de problème finirait par arriver avec ce temps, avoua-t-il devant mon air perplexe. Ramène-leur quelques pioches et essaie de voir si tu peux les aider.

Sans grande motivation, je remontai au sommet. L'idée de devoir piocher la glace par ces températures ne m'enchantait guère, mais je n'avais rien de plus utile à faire depuis que mon père surveillait la moindre de mes escapades.

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant