Un chasseur peut en cacher un autre...

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— Kilian ! Tu m'entends ?

Oui... mais ma tête tournait à m'en donner la nausée. Je ne savais dire si j'étais allongé ou bien les pieds en l'air.

— Allez-y doucement, messire, lui conseilla une voix plus claire, au doux timbre féminin. Laissez-lui le temps de respirer de l'air frais.

De l'air frais ?

Étais-je enfin sorti de ce sinistre sous-sol ?

Je tentai d'ouvrir les paupières, mais les refermai aussitôt, ébloui par une luminosité que j'espérais celle du soleil.

— Kilian ! s'exclama mon père.

Mon esprit s'ordonnant peu à peu, je reconnus sa voix. Il semblait soutenir le haut de mon corps, ses bras glissant sous mes aisselles et s'enroulant autour de mon torse. Mais, je n'étais pas debout. Non... je sentais une surface dure sous mes fesses.

Je clignai des paupières, tandis que mes yeux s'adaptaient à la lueur qui m'entourait.

— Que m'est-il arrivé ? marmonnai-je.

Mes lèvres paraissaient si légères... à tel point que je ne les sentais plus.

— Fïr m'a prévenu du danger que tu courrais, commença mon père qui rajusta mon manteau d'une main. Comme elle prétendait que tu étais enfermé avec Phil dans le sous-sol de Tania, j'ai utilisé un vieux procédé alchimique de fumée soporifique.

— Soporifique ? répétai-je. Elles nous ont assommé à coup de masse oui.

Mon père rit doucement, tandis que je me massais les tempes.

— Où sont Tania et Phil ? m'enquis-je dans un sursaut.

— Ne t'inquiète pas. Phil est bien ligoté en attendant qu'il se réveille, et en ce qui concerne Tania...

Erik marqua un temps d'arrêt, la mine hésitante.

— Fïr m'a assuré qu'elle n'était pas dangereuse. Nous l'avons allongée par terre... sans liens.

Je suivis son regard et découvris Tania qui dormait encore sur une portion peu enneigée, au pied des villageois. À leurs airs crispés, je devinais qu'ils ne savaient trop que penser d'elle. Elle était l'unique soigneuse de Brume, mais restait complice des méfaits de son frère. Le chasseur gisait lui aussi au sol, les poignets et chevilles solidement liés d'une corde épaisse.

— Elle savait tout depuis le début, mais Phil lui faisait bien trop peur pour avouer quoi que ce soit, déclarai-je à l'attention des habitants. Son impuissance l'a fait souffrir tout autant que nous.

— Alors c'est bien Phil qui tuait nos familles, pleurnicha une dame.

Bon nombre de villageois joignirent leurs larmes aux siennes, tandis qu'une minorité bouillait en silence. Je n'osai couper ce recueillement, aussi douloureux qu'un enterrement, pour préciser le fin mot de l'histoire.

«Fais-le,» me conseilla Fïr qui m'extirpa de mes tourmentes d'un coup de langue sur la joue.

Elle avait raison. Je ne devais pas laisser les villageois se fourvoyer.

Doucement, je me redressai avec l'aide de mon père, et respirai un bon coup.

— Ce n'est pas Phil le meurtrier, mais son jeune frère, lâchai-je d'un souffle.

— Phil est le seul enfant que ses parents aient eu, trancha le vieil ébéniste qui soutenait sa femme en pleurs.

Mais je ne me démontai pas face à son air sévère.

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant