Le gardien

47 17 11
                                    

C'était un peu désorienté que je débouchai au fond des galeries à la suite du loup. Une grotte aux dimensions renversantes s'ouvrit devant nous, comme je ne l'aurais jamais imaginé ainsi perdu dans les entrailles de la Terre. Une maison de maître aurait pu y contenir sans le moindre doute ! Les parois me paraissaient lisses, entrecoupées de nuées de cristaux qui les illuminaient de leur blancheur translucide. Leurs surfaces anguleuses jouaient avec le feu de ma lampe à pétrole, le divisant en un ballet coloré qui me tira un sifflement d'admiration.

«L'ancien repère de Nïgdul,» déclara Fïr d'un ton morne.

Je n'étais pas un grand amoureux de la nature, mais je la trouvais néanmoins bien insensible face ce spectacle si rare.

— Comment ton dragon faisait-il pour venir jusque-là ? m'enquis-je alors que je ne discernai aucune autre entrée que les galeries des mineurs. C'est gros comme bête, non ?

Sans un mot, Fïr trotta et s'arrêta contre une paroi à ma gauche. Elle leva une patte et griffa sauvagement la roche sous mon regard perplexe. Je haussai les sourcils, alors que le mur de pierre ondula tel un reflet à la surface d'une eau agitée. Une grimace déforma mes traits tandis que cette portion immatérielle s'estompa doucement, et dévoila un nouveau tunnel. Bien plus colossal que ceux de la mine, il grimpait en une pente abrupte vers les hauteurs.

«Il débouche au sommet d'une montagne, un peu plus loin au Nord,» m'expliqua la louve. «Sa sortie est elle aussi dissimulée aux yeux des curieux.»

— Déjà que je pensais les dragons un simple mythe pour effrayer les enfants, jamais je n'aurais cru voir que des êtres si imposants et volants pouvaient vivre sous terre.

«Les humains et leur logique...»

Je lui coulais un regard en biais.

«— Admets que vous, les humains, êtes des créatures étranges, » se braqua-t-elle face à ma grimace. «Vous avez toujours une opinion sur tout, même sur ce que vous ignorez. Vous...»

Je levai les mains en signe d'abdication.

— Je ne suis pas un adepte des débats philosophiques, très chère, la coupai-je.

D'abord décontenancée, elle rit de ma réaction. Du moins, je le déduisis à l'entente de ses jappements brefs et de ses babines étirées à l'image d'un sourire humain. Seule la vue de ses crocs acérés aux beiges salis me laissait perplexe face à cette sensation...

— Tu as un sourire renversa, la taquinai-je malgré le frisson qui me parcourut l'échine. Mais trêve de bavardage. Où est donc cette brèche donc tu me parlais ?

D'un hochement de museau, Fïr désigna le fond de la caverne. Sceptique, j'observai l'éboulement qui avait ravagé cette partie de la grotte. Rien ne semblait capable de traverser au travers des rocailles entassées maladroitement, qui menaçaient de tomber à la moindre secousse.

Perdu, je glissai un regard explicite à Fïr.

«Depuis le temps qu'aucun humain ne nécessitait ma protection, j'ai pu colmater l'entrée,» m'avoua-t-elle avec calme au creux de mon esprit.

— Mais alors pourquoi m'as-tu dit que les meurtres ne s'arrêteraient pas ? m'exclamai-je désabusé. De quoi est donc morte la dernière victime du village ?

Je n'aimais pas me sentir floué, et encore moins marcher durant de longues minutes pour rien. D'autant plus quand il était nécessaire de descendre dans les entrailles de la Terre !

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant