Brume [TERMINÉ]

Le passé n'est pas toujours vérité... - partie 2

Dehors, les deux pieds dans un tas de neige et les mains dans les poches, j'observais les allées et venues des villageois. Les déclarations du vieil homme trottaient en boucle dans ma tête à m'en rendre malade. S'il disait vrai, mes parents et moi étions dans une situation délicate... et très dangereuse.

Je devais quérir de plus amples informations. Mais avec qui ? Je connaissais encore trop peu d'habitants pour questionner ceux qui passaient à la volée... quand Phil, le chasseur de Brume, me vint à l'esprit. Il n'était pas des plus anciens, mais j'avais le pressentiment qu'il connaissait pas mal de choses malgré tout. Un chasseur avait toujours l'oreille tendue... ou qui trainait, pour être plus honnête.

Sur conseil de l'épicière à qui j'achetai en prévision un déjeuner léger, je me rendis à l'autre bout du village, à l'ouest, où se terrait mon chasseur. D'après elle, il vivait dans un petit chalet, différent des autres, à la lisière des bois. Je tournai un moment à l'entrée du village, cherchant sa demeure... sans grand succès. Hormis le sentier qui remontait vers le manoir et l'océan de conifères, je ne discernai aucun chalet particulier...

Quand une voix m'interpella.

Je scrutai les alentours, sans en trouver le propriétaire qui me héla à nouveau. Je levai les yeux aux ciels, et hoquetai de surprise.

Au sommet du plus imposant des pins qui bordaient l'entrée du village, je découvris la cabane de Phil. D'envergure égale aux chalets terrestres, elle se découpait avec harmonie en deux étages le long du tronc. De complexe échelles, mariant bois et fibres, sinuaient entre les branches et reliaient les nombreux balcons. Phil se tenait sur le plus bas, accoudé à sa rambarde. Il jeta une échelle de corde qui se déroula jusqu'à mes pieds et me fit signe de le rejoindre.

Heureusement que je n'avais pas le vertige...

D'une main, je tirai vigoureusement sur la construction de fibres. Elle semblait solide. Je grimpai sans plus hésiter.

— Vous êtes le vigile du village ? plaisantai-je une fois à ses côtés.

— Je me sens plus en sécurité ainsi, sourit-il. Aucun membre de ma famille n'est jamais mort. Mais quel bon vent vous amène ?

— J'espérais que vous puissiez me renseigner sur le village et sa triste histoire.

Phil me fixa un moment, du même regard sombre que le vieil ébéniste.

— J'aurai plutôt pensé que votre père se chargerait de cette affaire, et non vous.

— Pourquoi donc ? m'enquis-je, vexé. Vous me trouvez trop jeune ?

— Pas du tout, m'assura-t-il en accentuant ses dires d'un geste de main. C'est juste que votre père est le détenteur du contrat de la mine, contrairement à vous.

Je fronçai les sourcils, perplexe.

— Que vient donc faire le contrat dans cette histoire ?

— Il est à la base de tout ! souffla le chasseur.

Son entrain se tassa face à ma mine fermée.

— Du moins... c'est ce que j'en ai déduit au fil des années.

Je l'invitai à approfondir ses pensées, ce qu'il fit sans attendre. Phil me donna bien plus d'informations que le vieil ébéniste, et sans m'en tenir pour responsable ! Il connaissait bien l'histoire de ma famille et ajouta une partie des plus intéressantes sur ce soi-disant contrat. D'après lui, l'ancien maître des Griffenoire eut un violent démêlé avec son principal héritier. Leur altercation se solda par l'étrange impossibilité de lui léguer correctement le contrat de la mine. Phil en ignorait malheureusement la raison... mais il avait remarqué que la fin de passation, de main en main chez les Griffenoire, concordait avec le commencement même de la série d'accidents meurtriers qui terrassa leur famille.