Brume [TERMINÉ]

Tout est une histoire de sang - partie 2

Détruire la lignée des Griffenoire.

Voilà qui expliquait les nombreux morts au sein de ma famille avant qu'ils ne quittent Brume. Mais quelle tragédie avait donc amené à la rupture d'un contrat si sinistre ? D'après mes dernières enquêtes, personne n'avait évoqué le mort du patron avant la série de meurtres concernant les Griffenoire...

— Que fais-tu encore le nez dans les affaires de ton père ? siffla ma mère.

Je sursautai et croisai ses prunelles claires. Avant que je n'eus le temps de prononcer le moindre mot, elle me rejoignit et m'arracha le contrat des mains. Je déglutis de peur de sa réaction en l'apercevant couvert de cire, mais à ma grande surprise, le sceau avait déjà regagné sa place.

Je plissai les yeux, dérouté, tandis qu'elle le rangeait dans le tiroir du bureau. Néanmoins, elle ignorait qu'il fallait le glisser dans le faux fond.

— Si tu souhaites lire, nous avons une bibliothèque remplie de livres ! ajouta-t-elle en désignant d'un hochement de menton un large meuble sous les escaliers.

Je soupirai, mécontent, mais me passai de batailler. Dans une moue boudeuse, je m'écartai et fis mine de prendre un livre pour qu'elle me laisse en paix. Une fois installé dans un fauteuil, le nez fourré dans le volume dont je ne lisais même pas les mots, elle s'en alla dehors pour s'occuper de son cheptel.

Mes prunelles claires vissées sur les pages, je me remémorais en boucle les lignes du contrat dissimulé sous le premier, et plus particulièrement d'un nom :

Fïr...

S'agissait-il de cette bête canine aux murmures lugubres ? Mais si je ne fourvoyais pas, pourquoi ne m'avait-elle pas tué comme mentionné dans le contrat ? Au lieu de cela, elle semblait m'aiguiller par énigmes... avec brutalité certes, mais une aide restait la bienvenue dans ce village maudit.

La série d'accidents qui oppressait les habitants ne concordait pas non plus... Fïr ne devait tuer que les membres des Griffenoire, pas les villageois. Et plus aucun ancien de ma famille ne résidait à Brume pour ces fameux sacrifices à chaque cycle de lune.

Ces morts n'avaient aucun sens !

Quelque chose ne tournait pas rond.

Je jetai un coup d'œil à l'arche de pierre, mais l'intervention de ma mère avait fait fuir mon compagnon bestial. Peut-être que si je sortais, il reviendrait... mais était-ce réellement sans danger ? Je n'avais aucune certitude qu'il s'agissait bien de Fïr, et encore moins concernant ses réelles intentions.

Dans un long soupir, je pesai le pour et le contre. SI je restais là, je n'avancerais guère, mais mettre en vie en jeu en valait-il vraiment la chandelle ?

C'est un choix fictif, pensai-je en décidant de prendre le risque.

Malgré l'absurdité de la situation, cette bête me paraissait être la seule dans toutes ces terres nordiques à connaître la vérité.

Je vérifiai d'un coup d'œil vers l'étage que ma mère ne me surveillait pas, puis me faufilai par la porte arrière de la maison. Entrouverte, l'animal ne semblait pas l'avoir brisée comme la dernière fois.

Saurait-elle ouvrir les portes ?

Cette simple pensée me fit frissonner, plus que la brise glaciale qui se glissait par l'interstice. Je pris soin de refermer derrière moi et m'engouffrai entre les troncs qui délimitaient l'orée des bois. Une couche de neige tomba sur mes épaules alors que je poussais une branche de mon chemin et je maudis ma stupidité de n'avoir enfilé un manteau. Si la bête ne me dévorait pas, j'attraperais probablement la mort par ce temps...