Mort en marche

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Malgré sa corpulence, les pas de Fïr restaient aussi légers qu'une feuille glissant sur la neige. L'expression marcher à pas de loup prenait tout son sens face à une telle démonstration.

— Tu n'as pas peur qu'il nous tire dessus ? lui murmurai-je à l'oreille aussi discrètement que l'audible me le permettait.

«Je doute qu'il nous entende arriver. Mais reste tranquille et tais-toi.»

Je n'aimais pas me faire rabrouer de la sorte, mais au moins, elle était claire sur ce qui nous attendait.

Ce fut donc dans le silence le plus total que nous continuâmes notre route à travers l'obscurité de la forêt. Elle progressait lentement, mais je doutais fort que les villageois nous rattrapent. Phil ne leur avouerait rien... et certainement que Tania n'avait pas la moindre idée de l'endroit où vivait Galvin.

«Nous y sommes,» souffla la louve.

À ses mots, mon cœur eut un raté. Je m'aplatis le long de l'échine de Fïr et scrutai les ombres. Tous semblaient si calmes... trop calme. Je ne souhaitais guère rencontrer Galvin, mais je savais impossible que ma louve soit dupée par de fausses pistes.

«— Devant nous... je le sens!»

Je plissai les yeux... mais ne percevais que troncs et bosquets enneigés. Fïr m'intima de mieux les ouvrir, plutôt que de les froncer à l'image d'un loup constipé. Je lui coulai un regard en biais, à la fois perplexe et vexé de la comparaison.

«— Le roc entre les deux troncs morts,» souffla-t-elle au creux de mon esprit. «Il est creux.»

— Comment peux-tu le savoir ? murmurai-je.

«Le trop grand nombre de brindilles écrasées aux pieds des troncs servant d'échelles, la neige absente de leurs écorces contrairement aux autres conifères, et cette sale odeur de charogne qui empeste les lieux.»

Je restai bouche bée. La traque ne ressemblait en rien à une activité de petit amateur. Le moindre détail restait crucial et permettait de déduire de la marche à suivre. Jamais je n'aurais pu remarquer de tels indices, même au pas lent et prudent de ma louve.

— Que faisons-nous maintenant ?

«Nous attendons que la proie montre le bout de son nez.»

L'excitation de Fïr semblait à son summum. J'en frissonnai, plus que du vent glacial qui picotait mes quelques parties de peau découvertes. Je ne partageais pas le moins du monde son engouement pour cette chasse à l'homme ! Rester immobile dans ce froid mordant ne m'amusait guère et attendre un mouvement incertain d'une proie me stressait au plus haut point. Surtout en sachant que cette cible pouvait aisément devenir le prédateur.

« — C'est justement le point grisant de la situation, » m'assura Fïr qui contenait ses frissons de plaisir.

Je préférais m'abstenir de tous commentaires...

Le temps s'écoula... et la nuit tomba, tandis que nous ne tenions toujours rien de concret, hormis les douleurs atroces de mon estomac affamé ! Était-ce réellement l'abri de Galvin ? Et si oui, y était-il en ce moment ? Fïr ne cessait de m'assurer qu'elle ne pouvait se tromper, mais je commençai à perdre confiance.

D'autant plus que malgré les heures qui défilaient, personne ne nous avait rejoints. Phil gardait sa langue liée, certainement au fil d'atroces souffrances que les villageois lui faisaient subir... En y réfléchissant, je préférais être là, coincé dans les bois gelés, sur le dos de ma louve, plutôt que d'assister à son interrogatoire.

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant