Tous est une histoire de sang - partie 3

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— Par tous les Dieux ! gronda ma mère que je trouvai dehors, assise au milieu de ses brebis. Mais que fais-tu dehors habillé ainsi ? Veux-tu attraper la mort ?

Elle se leva d'un bond et s'avança d'un pas décidé... mais son regard de braise s'éteignit telle une flammèche sous la tempête dès qu'elle nota ma mine blanchâtre. Elle entrouvrit les lèvres, mais je la pris de vitesse :

— Yvie ! soufflai-je. Elle... elle n'était pas du même sang que moi ?

À l'entente de mes mots, ma mère blêmit à son tour. Je n'osai interpréter sa réaction. Non... je ne voulais pas y croire !

Anxieux, je l'observai sans dire mot. Prise la main dans le sac, elle avait toujours tendance à se muer dans un silence profond, le regard hagard et les doigts jouant avec ses mèches de cheveux.

Ce qu'elle finit par faire...

Je restai bouche bée. Mon père avait essuyé tant de problèmes auprès de sa famille pour l'avoir épousée, elle une simple roturière sans dot, et voilà comment elle le remerciait.

Jamais je n'aurais cru ça d'elle !

— Père le savait-il ? m'enquis-je d'une froideur dont je ne me serais jamais cru capable.

Les yeux rivés sur ses bottes, elle hocha doucement la tête.

— Ta sœur aussi le savait, ajouta-t-elle à la limite des larmes. C'est pourquoi elle était si... agressive envers Erik.

Ses derniers mots brisèrent le peu de retenue qu'il me restait.

— J'étais le seul à l'ignorer ! Pourquoi ?

Mais je n'attendis pas sa réponse. Les poings serrés à m'en blanchir les articulations, je tournai les talons. Fïr avait d'autres informations à me donner, plus importantes que celles de cette femme !

— Attends Kilian ! cria-t-elle d'une voix suppliante. Ton père m'en veut toujours. Je t'en prie ! Ne me renie pas toi aussi !

— J'ai besoin de réfléchir, grognai-je sans un regard en arrière.

Je m'enfonçai dans la forêt, tandis qu'elle fondait en larmes.

«Tu ferais mieux de te couvrir,» me conseilla Fïr dont j'aperçus les prunelles briller entre deux troncs. «Ou bien pouvons-nous nous installer près de la cheminée ? »

Je votai pour la cheminée. Furieux, je me moquai bien que ma mère voit Fïr en rentrant, et pour mon père, il était à la mine jusqu'à l'heure du déjeuner.

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Confortablement installé au creux d'un fauteuil douillet, Fïr allongé à ma droite et l'âtre crépitant d'un feu vivace à mes pieds, je l'intimai de me conter son histoire. Celle qui la liait si étroitement au village, et à ma famille.

«— À l'origine, tes ancêtres portaient le nom de Dufran,» commença-t-il, son museau rivé vers les flammes. «Une petite famille de fermiers qui apportait le lait pour le village de Brume. Kayal fut le premier à découvrir la mine en cherchant une de ses chèvres disparues. C'est lui qui a créé ce contrat.»

Fïr se tut, le temps de glisser un coup d'œil vers l'entrée. Mais personne n'entra.

«— Il a alors commencé à miner, seul, pendant que ces fils s'occupaient de son cheptel, continua-t-il en reportant son regard sauvage sur ma personne. Les premiers cristaux se sont vendus à prix d'or et le seigneur régent des terres de cette partie de l'empire a commencé à s'intéresser de près à la mine. Il a essayé de la lui voler, mais avec un peu de malice, je l'en ai dissuadé. Finalement, l'empereur décida de faire rédiger le contrat de papier que ton père a retrouvé, tandis que de mon côté, je cachai celui qui me liait aux tiens à l'intérieur, via le sceau de cire. Quand l'un de ses fils hérita du contrat, il demanda à être anobli au vu de l'importance que sa famille avait gagnée au sein de l'empire. Le roi vous donna alors le noble nom de Griffenoire.»

Brume [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant