— Kilian !
Je me réveillai en sursaut au timbre colérique de la voix de mon père. Bien que forte, elle semblait encore loin... Probablement me hélait-il du salon.
Il gronda à nouveau, me confirmant son humeur orageuse.
Quelle mouche l'a encore piqué ? pensai-je dans un soupir.
Je m'étirai... et tressautai en sentant un poids contre mon épaule. Mes paupières s'ouvrirent et je posai les yeux sur une demoiselle endormie, un bras barrant mon torse nu.
Mélissa !
Je me tapai le front d'une paume en me sentant bien bête de l'avoir oubliée. Aussi nu l'un que l'autre, je me remémorai brièvement notre soirée. Bien que longue, elle me parut soudainement trop courte...
— Kilian ! insista encore mon père, un ton plus haut.
Il était derrière la porte de ma chambre.
— J'arrive ! soufflai-je avec empressement. Ne crie pas comme ça...
Je n'étais guère doué pour les réveils en fanfare... D'autant plus que je ne comprenais pas comment Mélissa avait réussi à passer la nuit ici sans provoquer d'esclandre.
— J'apprécierais que tu sortes de ton antre pour discuter.
À son ton, je doutai finalement que la présence de la demoiselle ne mène pas à un conflit. Je lui coulai un regard. Elle dormait à poings fermés malgré les hurlements de mon père.
— Laisse-moi le temps de m'habiller ! lançai-je d'un souffle alors qu'Erik toquait contre la porte. J'arrive.
Il abdiqua, détestant faire irruption dans ma chambre, et je me levai prudemment. Même si la demoiselle semblait perdue dans un profond sommeil, je préférais éviter qu'elle ne se réveillât et participât à la conversation. Ou plus sincèrement, je refusais qu'elle me voie essuyer un sale savon...
Je sautai dans des sous-vêtements, un pantalon et un pull en laine avant d'ouvrir la porte. Elle grinça, mais rien qui ne réveilla ma belle endormie. Je me glissai par l'interstice et refermai prestement. Mon père m'attendait d'un pied ferme au pied des escaliers, le regard noir. Alors que je descendais d'un pas lent, manière de réfléchir à deux ou trois excuses valables, il me fit signe d'aller au salon. Je m'exécutai et m'assis dans un fauteuil. Mes fesses en touchèrent tout juste le cuir, quand Erik m'agrippa fermement par les épaules et me releva avec force.
— Fais-moi face, petit arrogant ! gronda-t-il avec rage.
Je restai sans voix alors qu'il plantait sur moi un regard féroce. Rares étaient les occasions où je l'avais vu si colère... et cela n'augurait jamais rien de bon.
— Tu pensais pouvoir me cacher tes petits secrets ! ajouta-t-il avec toujours plus de hargne. Nous ne sommes pas dans une grande ville, et en plus, tout le monde nous observe sans cesse ! Comment as-tu pu oser faire une chose pareille ? Est-ce un comportement réellement digne du noble que tu prétends être ?
— Je suis désolé ! Je me suis laissé emporter, soufflai-je d'un ton peu assuré. Mais elle m'a suivi alors que je finalisais le contrat avec Fïr. Je ne pouvais pas la laisser repartir. Et une fois ici... enfin tu peux comprendre ! Toi et mère avez bien dû en faire autant à mon âge ? Et d'ailleurs en parlant de mère, elle ne nous a pas arrêtés, au contraire. Et puis pourquoi hurler maintenant alors que tu as accepté qu'elle dorme ici ?
Au fur et à mesure que je m'expliquai, le visage de mon père blêmissait. Je déglutis, comprenant que je m'enfonçais plus que je ne me défendais.
— De quoi me parles-tu ? souffla-t-il, son regard perdu entre incrédulité et horreur. Ne me dis pas que tu as autre chose sur la conscience autre que ton coup de gueule envers Crouf ? Ta mère prétendait hier soir que tu étais fatigué. C'est pour cette raison que je t'ai laissé dormir !
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Brume [TERMINÉ]
Mystery / ThrillerKilian, fils d'un noble déchu, déménage avec sa famille vers le village de Brume dans l'espoir d'un nouveau départ. Mais ses rêves d'une vie meilleure s'envolent en une nuit. Kilian se retrouve face au terrible mal qui ronge ce hameau et aux hurleme...