Mélandrie tome 3 : Les terres noires

Chapitre 19

De retour auprès des autres, Mélandrie se mêla au groupe tout en s'excusant pour le coup de sang qu'elle avait eu. Elle expliqua cependant que, malgré le peu de temps passé avec elle, la jeune ange était très attachée à Kahina et ne pouvait se résoudre à la considérer comme une personne qui pourrait les trahir.

En cela, tout le monde était d'accord, même Camille, ce qui l'étonna et la mit dans une incompréhension plus profonde encore. En ce qui concernait la jeune prêtresse, ils n'avaient aucun doute sur elle. Ils avaient prouvé qu'ils étaient bien plus observateurs qu'elle et avaient remarqué la façon dont elle la regardait. Mis à part pour une personne vraiment habituée à mentir, ça n'était pas le genre d'expression que l'on pouvait feindre. Elle avait aussi prouvé qu'elle était de leur côté en les défendant lorsqu'ils étaient encerclés par le second groupe en embuscade.

Cependant, ils ne pouvaient faire confiance à un village entier en se fiant au comportement d'une seule jeune habitante. Ce qui n'allait pas pour eux était le comportement des anciens. Bien qu'ils n'aient pas compris l'échange que Mélandrie avait eu avec eux, ils l'avaient parfaitement reconstitué lorsqu'elle leur avait fait le résumé de ce qui avait été dit et trouvaient qu'ils avaient accepté leurs demandes bien trop rapidement.

Ça, elle le savait et c'était sur cet argument qu'elle était sortie une première fois de la tente, folle de rage. À présent qu'elle était calmée, la jeune ange était prête à entendre le développement de cet argument. Comme ils l'avaient expliqué la première fois, ils n'excluaient pas l'hypothèse qu'il puisse s'agir d'un stratagème pour qu'ils baissent leur garde et ainsi les attaquer dans leur sommeil. Les anciens étaient des prêtres de la terre-mère et pouvaient peut-être sentir l'énergie qui se dégageait de chacun d'eux. De ce fait, ils avaient très bien pu se rendre compte qu'ils n'avaient aucune chance, même avec tout le village réuni et avaient monté ce stratagème.

Pendant que les deux soldats réexpliquaient cela à Mélandrie tout en rajoutant bien plus d'arguments que la première fois, Scyllia insistait sur le fait que cela n'était qu'une hypothèse et que tout le monde ici préférait largement se tromper. Ils ne voulaient juste prendre aucun risque.

Tandis qu'ils continuaient à parler, plus calmement, de ce cas de figure, plusieurs villageois entrèrent dans la tente et leur apportèrent à chacun une assiette. Kahina devait avoir terminé ses rituels en tant que prêtresse car faisait partie de ces personnes.

— Tu te joins à nous ? Proposa Mélandrie.

— Je peux ? Demanda-t-elle, hésitante.

— Bien sûr ! Si les anciens acceptent que tu nous suives, tu ne vas pas manger à l'écart à chaque fois.

— Mais ça ne dérange pas vos compagnons ? Je me trompe peut-être, mais j'ai le sentiment que si vous êtes partie, c'est parce qu'ils ne nous faisaient pas confiance.

Elle était intelligente et perspicace, se dit la jeune ange. Heureusement, les autres membres du village étaient sortis juste après avoir déposé les assiettes. Elle pouvait donc lui répondre en toute sincérité, mais ne voulait pas non plus faire de vague.

— Kahina se doute de pourquoi je suis partie tout à l'heure, traduisit-elle.

— Comme on te l'a dit, ça n'est pas elle le problème. Je pense que tu peux lui parler de nos inquiétudes si tu lui fais promettre de ne rien dire aux autres, répondit Camille.

Il s'agissait de la personne la plus réticente à s'allier à ce peuple et pourtant, c'était elle qui venait de lui donner la bénédiction pour parler de ce sujet. Tandis qu'elle entamait les quelques racines bouillies aux côtés d'un maigre bout de viande, la jeune ange exprima les inquiétudes du groupe à la jeune prêtresse tout en lui demandant que cette conversation ne sorte pas de cette tente.