chapitre 9 : Juan & Samantha

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Juan passait une bonne soirée.

Il ne s'y attendait pas vraiment. Il était très amoureux de Samantha, pourtant, ils étaient l'eau et le feu, et ils ne restaient jamais bien longtemps sans se disputer à propos de n'importe quel sujet, aussi furtif soit-il. Pourtant, depuis le début de la soirée, ils n'avaient pas eu mot plus haut que l'autre. Tout semblait se passer à merveille, Samantha discutait avec tout le monde.

-C'est Alissia qui a fait le dessert, c'est l'entraînement hebdomadaire pour le CAP, sourit Ander, et Juan sourit.

-Tu passes un CAP ? Boulangerie ? Pâtisserie ?

-Boulangerie, acquiesça-t-elle. Au mois de juin.

-Tu es super patiente, moi la pâtisserie, ça ne passe pas, rétorqua Samantha, et Juan se fit violence pour ne pas lever les yeux au ciel.

-Qu'est-ce que tu fais, dans la vie ? demanda Marco, et Juan dit adieu à sa bonne soirée.

-Je suis au chômage, dit-elle en haussant les sourcils, et Alissia hocha la tête.

-Moi aussi, du coup.

Samantha sourit et se tourna vers Juan, l'air absolument charmé.

-Tu vois, ils n'ont qu'un salaire et ils ont un bébé !

Il pouvait complètement enterrer la bonne soirée. Avec une bêche.

-Sam, répondit-il, je pense, sans vouloir m'immiscer dans leur vie, qu'Alissia touche le chômage contrairement à toi, et qu'Ander gagne mieux sa vie que moi.

-Ah ? Qu'est-ce que tu fais, Ander ? l'interrogea Samantha, et Ander sourit.

-Je suis directeur commercial.

-C'est sûr que ça gagne mieux que prof.

Juan ferma les yeux. Finalement, il voulait être enterré avec la soirée.

-Ce n'est pas un métier qu'on choisit pour l'argent, répondit calmement Marco, qui avait certainement l'habitude d'entendre ce genre de remarque complètement déplacée.

Sauf que d'habitude, elles ne venaient certainement pas d'une personne en couple et vivant avec un professeur.

Juan se fit violence pour ne pas rétorquer que c'était un métier qui permettait toujours de gagner plus que ce qu'elle gagnait--rien--, mais il garda sa remarque pour lui.

-Donc, le dessert ! s'exclama joyeusement Maïa, et Alissia sourit, comme pour la remercier.

Tout le monde eut droit à son croissant aux amandes, que Juan trouva délicieux.

La soirée continua, et Samantha sembla comprendre qu'elle ne pouvait pas être au centre de toutes les conversations. Elle se mit à discuter avec Alissia et Ander, et Juan en profita pour faire de même avec Marco et Maïa.

-Désolé pour Samantha, dit-il immédiatement. Elle... n'a pas sa langue dans sa poche.

Maïa haussa les épaules, et Marco rit.

-En tant que prof, j'étais obligé de nous défendre.

-Bien sûr. Elle se permet ce genre de remarques alors qu'elle ne gagne rien, et qu'elle me réclame régulièrement de l'argent pour faire du shopping, manger dehors avec ses copines ou tricoter avec sa grand-mère.

-Elle cherche du travail ? demanda Marco, et Juan soupira.

-C'est ce qu'elle me dit. Mais je ne l'ai jamais vu le faire, ni me tenir au courant de l'avancée.

Marco hocha la tête. Il savait ce que ça voulait certainement dire.

-Et donc, elle te reproche de ne pas vouloir l'enfant alors que vous êtes dans cette situation ?

Juan sourit.

-Ouais. Enfin, elle me reproche de ne pas vouloir d'enfant tout court.

Le visage de Maïa s'illumina.

-Moi non plus, je ne veux pas d'enfant.

Juan sourit. La joie de Maïa était communicative. Il semblait qu'elle ne croisât pas des personnes qui ne voulaient pas d'enfant tous les jours. Juan se fit la réflexion que lui non plus, en vérité. Mais comme il était un homme, on lui posait très certainement moins la question.

-Tu vois, ça te fait un point commun avec Maïa, elle ne veut pas d'enfant non plus.

Juan dévisagea Marco quelques instants. Il n'avait pas répondu que lui non plus, n'en voulait pas.

-Et... vous êtes ok ? Avec ça ? Tous les deux ?

Maïa haussa les épaules, et Marco sourit.

-Je vais te dire la vérité : j'espère secrètement qu'elle changera d'avis, un jour. Mais je la connais assez pour savoir que ça ne sera très probablement jamais le cas. Et c'est ok. Mon amour pour elle est plus grand que mon désir d'enfants.

Juan trouva cette phrase très belle, et il décida de la noter dans sa tête.

La conversation dériva sur autre chose, et Juan oublia cet échange pour le reste de la soirée. Mais une fois de retour dans l'appartement qu'il partageait avec Samantha, elle lui revint. Samantha pensa à la même chose, puis qu'elle dit :

-Leur fille est trop mignonne.

Comme d'habitude, Juan ne répondit rien. Il était trop occupé à penser à leur relation. Il était amoureux de Samantha, il ne pouvait pas le nier. Pourtant, quand il essayait de se souvenir de leurs moments de bonheur passés ensemble, rien ne lui venait à l'esprit. Ils se disputaient parce que la vaisselle n'était pas faite, parce que Samantha avait besoin que Juan lui prête de l'argent, parce qu'elle voulait un enfant, parce que la panière à linge débordait...

-Tu m'écoutes, Juan ?

Non. Juan ne l'écoutait pas.

Et il se demandait s'il avait encore envie de l'écouter, finalement.

pépites de chocolat » VERRATTI HERRERA BERNAT ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant