chapitre 3 : Juan & Samantha

81 12 26
                                    

Le vendredi, Juan donnait son dernier cours d'espagnol à 13 h. C'étaient les cinquièmes C, sa classe préférée. Ils étaient mignons, ils étaient intéressés et ils participaient. Il leur avait préparé une séquence sur les grands artistes hispaniques à leur demande.

Quand Juan rentrait à la maison après ce cours, il était heureux. Le week-end commençait bien.

Quand il rentrait, Samantha n'était pas toujours là. Elle lui laissait toujours un mot écrit à la main, accroché au réfrigérateur. Elle lui expliquait où elle était et elle signait son prénom, comme si le mot pouvait être de quelqu'un d'autre.

Ce jour-là, il était écrit qu'elle était partie rendre visite à sa grand-mère. Samantha et elle étaient très proches, et Juan avait toujours trouvé ça très mignon. Depuis que Samantha était au chômage, elle passait voir sa grand-mère tous les deux jours, et elles faisaient du tricot ensemble.

Ce qui ne l'aidait pas à trouver du travail, mais il n'osait plus rien dire. Cette conversation se terminait toujours par des cris et des larmes.

Juan laissa le mot à sa place et ouvrit le réfrigérateur pour se trouver quelque chose à grignoter. Le vendredi midi, en général, il sautait le repas pour aller à la photocopieuse.

Il se prépara un sandwich composé de pain de mie, de mayonnaise, de tomates et de reste de poulet rôti de la veille, qu'il dégusta assis sur le canapé, avec un match de football en fond. Une fois le sandwich avalé, il s'endormit.

C'est la sonnette de l'appartement qui réveilla Juan. Il fronça les sourcils : à sa connaissance, ils n'attendaient personne, aujourd'hui. Il abandonna son sandwich à moitié fait et alla ouvrir la porte. Il jeta un œil au judas, et vit un homme qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam, attendant patiemment que quelqu'un vienne lui ouvrir.

-Bonjour, lança-t-il dès que la porte s'ouvrit. Je suis Marco, j'habite au 202.

-Enchanté, répondit Juan, reconnaissant effectivement l'homme : il l'avait déjà croisé une ou deux fois dans l'ascenseur.

-Ma copine m'a demandé de vous rendre vos pépites de chocolat.

-Ah bon ? dit bêtement Juan, comme si Marco allait lui répondre que non, c'était une blague.

-Oui, elles ont visiblement sympathisé et Maïa avait besoin de pépites, alors... voilà.

-Super, merci beaucoup, alors.

-Pas de souci. Euh, c'est peut-être indiscret, mais c'est une photo du Parc des Princes, derrière toi ?

Juan se retourna, et sourit en revoyant la photographie.

-Ouais. C'est une photo que j'ai prise la dernière fois que j'y suis allé, et que j'ai fait agrandir. Tu veux entrer pour la regarder ?

-Je veux pas te déranger, répondit Marco, soudainement gêné, et Juan secoua la tête.

-Ça me dérange pas du tout !

Marco suivit Juan à l'intérieur de l'appartement.

-Les couleurs sont incroyables. C'était le coucher du soleil, non ?

-Ouais. Coucher du soleil, puis je suis arrivé dès l'ouverture des portes, donc j'ai eu les dessins sur les sièges. Je suis assez fier de cette photo, j'avoue.

Marco sourit.

-Je comprends pourquoi.

Il lui tendit le paquet de pépites de chocolat qu'il avait dans ses mains depuis le début.

-Merci.

Les deux hommes se dirent au revoir, et Marco repartit vers l'ascenseur pour rentrer dans son appartement. Juan était content d'avoir discuté avec lui. Il avait l'air sympa.

Il déposa le paquet de pépites de chocolat sur le comptoir de la cuisine et partit prendre sa douche. Quand il en sortit, Samantha était rentrée.

-Bonjour, sourit-il en entrant dans le salon, et Samantha lui rendit son sourire. Comment va Jeanne ?

-Mamie va bien. Ma tante lui a acheté de nouvelles pelotes. On a commencé à faire un pull pour la petite de ma sœur.

Juan acquiesça d'un signe de tête. Il n'aimait pas la tournure que prenait la conversation, car il savait que le sujet "enfant" était un sujet sensible.

-Comme je serai la marraine, je me suis dit qu'elle pourrait aussi être la marraine de notre premier enfant, continua Samantha.

Et voilà. Exactement ce que Juan redoutait : une nouvelle conversation sur le sujet. La conversation hebdomadaire qui les divisait. D'un côté, Samantha, qui voulait un bébé. De l'autre, Juan, qui n'en ressentait pas particulièrement l'envie. D'un côté, Samantha, qui abordait le sujet dès que l'occasion se présentait. De l'autre, Juan, qui adoptait une nouvelle technique : ne pas répondre.

-Un voisin a ramené les pépites de chocolat que sa copine nous avait emprunté.

Samantha fronça les sourcils.

-Quand ? C'est toi qui leur a prêté ? On a des pépites de chocolat, nous ?

-Euh, bah... il m'a dit que tu avais sympathisé avec sa copine et que tu lui avais prêté.

-Mais Juan... dit-elle, haussant les sourcils. Enfin, tu t'es pas dit que c'était pas possible qu'on lui prête un ingrédient qu'on n'a pas chez nous ?!

-Je me suis dit que tu en avais peut-être acheté, haussa-t-il les épaules, toujours très calme alors que Samantha commençait à bouillir.

-Oui, donc tu as fait une hypothèse, un peu infondée, et tu as quand même pris les trucs que le voisin te rendait ! Alors que c'est même pas à nous !

-Pourquoi tu t'énerves ? C'est rien, je vais aller lui rendre ses pépites de chocolat. Pas la peine d'en faire une affaire d'État.

-Mais tu ne réfléchis pas ! explosa-t-elle, et Juan la dévisagea.

S'il voulait être méchant, il lui aurait répondu qu'il réfléchissait au quotidien juste grâce à son travail. Et elle ? Elle, elle ne travaillait toujours pas.

Mais Juan ne voulait pas être méchant. Alors il quitta la pièce sans un mot.

----
vous avez rencontré tous les couples, qui est-ce que vous préférez ? :)

pépites de chocolat » VERRATTI HERRERA BERNAT ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant