chapitre 13 : Marco & Maïa

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Depuis la lecture de la lettre annonçant la vente des appartements de l'immeuble, Maïa était en colère.

Elle ne remettait pas en cause la décision, car elle n'y connaissait rien en business, vente et location : elle ne pouvait pas donner un avis.

Ce qui l'énervait, c'était de devoir repartir de zéro. Avec Marco, ils avaient passé deux heures de leur week-end à remplir une nouvelle demande de logement social. C'était pénible à faire, ils demandaient les mêmes informations encore et encore, voulaient des chiffres précis pour tout et pour rien, avaient mis une limite de taille de fichiers acceptés anormalement basse.

Quand enfin, ils avaient pu cliquer sur "soumettre la demande", ils avaient été accueillis par un message annonçant que leur dossier serait vérifié d'ici cinq jours, et qu'ensuite, il fallait simplement attendre.

Marco savait attendre. Il était patient. Maïa, elle, n'aimait pas ça. Ça lui faisait une boule dans le ventre. Et s'ils n'avaient rien d'ici le printemps ?

En rentrant de l'université, elle repensa à tout ça. Elle voulait juste recevoir un mail, une lettre, un appel téléphonique pour la rassurer. Pour lui dire qu'un logement était disponible. N'importe où. À l'étape du dossier où il fallait classer les quartiers dans leur ordre de préférence, Marco et Maïa avaient mis qu'ils y étaient insensibles. Cela devait maximiser leurs chances.

Dans l'ascenseur, elle soupira avant de s'appuyer contre le mur du fond. Elle entendit un bruit de froissement, et elle se retourna, curieuse. Une feuille blanche était accrochée, avec un mot écrit au stylo plume d'une belle écriture. Il avait été écrit par des voisins du premier, les Janel, qui expliquaient qu'ils étaient contre la vente des appartements de l'immeuble, et voulaient savoir qui était du même avis. À la fin de la lettre, des tirets avaient été mis par le même stylo plume, pour laisser les voisins ajouter leurs noms et étage. Maïa sourit en voyant que deux personnes avaient déjà mis leurs noms, quelqu'un du premier, et une personne du troisième.

Maïa fouilla dans son sac et sortit sa trousse. Elle attrapa le premier stylo à sa portée et ajouta "Maïa et Marco - 2eme étage".

Elle quitta l'ascenseur satisfaite. Ils étaient nombreux à vivre dans cet immeuble, et Maïa se mit à rêver. Si la majorité était contre, peut-être qu'ils pourraient faire changer les choses ?

En arrivant dans l'appartement, une illumination lui vint. Elle alluma immédiatement son ordinateur et commença à taper.

Quand Marco rentra, presque une heure plus tard, il ne fut pas surpris de la voir concentrée devant son écran.

-Sur quoi tu bosses ? demanda-t-il en enlevant son manteau, et Maïa quitta enfin l'ordinateur des yeux, regardant Marco avec un grand sourire et les yeux qui brillaient.

-Tu as vu le mot dans l'ascenseur ?!

Il sourit à son tour, hochant la tête.

-Oui, j'ai vu. J'ai aussi vu que tu avais écrit nos noms en violet.

Maïa acquiesça.

-Du coup, j'ai décidé de commencer à écrire un truc pour exprimer notre mécontentement.

Marco fronça les sourcils.

-Un truc ?

-Une lettre. Pour expliquer qu'on n'est pas d'accord. Je me suis dit que je pouvais commencer à l'écrire, et à la partager avec les autres personnes concernées.

Marco sembla réfléchir. Il n'avait pas l'air pour, mais il n'avait pas l'air contre non plus.

-Et qu'est-ce que tu voudrais qu'on dise, dans cette lettre ?

Maïa sourit à l'entente du pronom utilisé par Marco. Elle tourna l'ordinateur pour qu'ils puissent le voir tous les deux.

-J'ai commencé par une sorte de paragraphe introductif pour expliquer que nous sommes contre. Ensuite, je me suis dit que chacun pouvait écrire quelques lignes pour se présenter, expliquer sa situation et plus précisément en quoi cette vente d'appartement nous porterait préjudice. J'ai écrit notre paragraphe, tu me dis ce que tu en penses.

Marco acquiesça d'un signe de tête et commença à lire avec attention les mots de son amoureuse. Elle était en première année de master, et sans grande surprise, ce début de lettre confirmait qu'elle savait écrire. Elle savait expliquer les faits simplement et argumenter clairement son propos.

-Alors ? demanda-t-elle, et il sourit.

-Tu es douée.

Elle lui sourit en retour.

-Merci.

-Avant que tu ne t'embarques là-dedans, je voudrais juste que tu prennes un instant pour entendre et accepter le fait que malheureusement, il y a de grandes chances pour que cette lettre ne change rien à la situation.

-J'en suis consciente, dit-elle simplement, et Marco hocha la tête.

-Et ça ne sera pas ta faute, ou la faute de qui que ce soit. C'est juste qu'ils n'auront pas entendu ce qu'on leur avait dit. C'est juste que parfois, leurs intérêts valent plus que la vie d'êtres humains. Et on ne va certainement pas révolutionner ça.

-Je sais, Marco. Mais je préfère tout essayer et ne pas obtenir gain de cause que simplement me taire. Parce que se taire, dans cette situation précise, ça veut dire accepter.

pépites de chocolat » VERRATTI HERRERA BERNAT ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant