chapitre 2 : Ander & Alissia

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Depuis la naissance de sa fille, Alissia se faisait passer au second plan.

Ça n'a rien d'anormal, lorsqu'on devient parent. Le bébé et ses besoins passent avant tout. Les nuits sont écourtées, les déjeuners précipités, les soirées annulées. Même ses sentiments étaient mis de côté, afin de pouvoir se concentrer pleinement sur les raisons de pleurer de son bébé.

Pourtant, en ouvrant la porte, ce mercredi matin, Alissa se souvint d'un sentiment qu'elle avait presque oublié : la honte.

Cela faisait longtemps qu'elle avait arrêté de se sentir honteuse. Lorsqu'elle sortait, elle était souvent habillée le plus confortablement possible, ce qui n'était pas toujours très beau. Elle était aussi rarement coiffée. Dès que la petite se mettait à pleurer, tous les regards étaient posés sur elle, même lorsqu'Ander était là aussi.

Elle ne savait pas pourquoi cette situation précise la gênait autant. Elle ne connaissait même pas la jeune femme devant elle. Mais en la voyant, Alissia s'était souvenue de sa vie il y a encore quelques mois. Loin de tout ça.

-Je peux entrer ? demanda la femme devant la porte, et Alissia n'avait pas la force de lutter. Elle ne la connaissait absolument pas, mais elle semblait être prête à lui venir en aide. C'est tout ce dont elle avait besoin, ce matin.

Alors Alissia hocha la tête. La jeune femme entra et referma la porte derrière elle. La honte continua : l'appartement n'était pas très bien rangé. Il y avait une panière de vêtements propres à plier qui traînait sur le canapé. Et la cuisine était un chantier, mais ça, elle l'avait cherché.

-Comment tu t'appelles ?

Alissia mit quelques secondes à réaliser que c'était à elle de répondre à la question.

-Alissia.

-Enchantée, Alissia. Moi, c'est Maïa. J'habite au 202. Et elle, comment elle s'appelle ? demanda-t-elle en regardant le bébé, et Alissia sourit.

-Alma.

C'était la première fois depuis très longtemps que quelqu'un s'intéressait d'abord à elle, puis à sa fille.

-Je te propose mon aide.

Le premier réflexe d'Alissia aurait été de la remercier, puis de la raccompagner jusqu'à la porte et de se débrouiller toute seule. Elle ne connaissait pas du tout cette femme, il était hors de question qu'elle lui laisse Alma sans surveillance. Sauf que la proposition était tentante, qu'Ander ne rentrait que dans deux jours et que par conséquent, elle ne risquait pas d'avoir une nouvelle opportunité comme celle-ci dans les quarante-huit heures à venir.

-Je veux bien que tu m'aides à ranger la cuisine.

Maïa acquiesça et suivit Alissia dans la pièce. Bien qu'elle soit complètement sens dessus dessous, elle ne fit aucun commentaire. Peut-être que c'était parce que les cris d'Alma l'en empêchaient, mais Alissia pensait que c'était bien plus que ça. Maïa semblait vraiment gentille.

-Qu'est-ce que tu as préparé ? demanda-t-elle simplement en attrapant une éponge, certainement pour se débarrasser de la couche de farine un peu partout.

-Des croissants.

-Oh, wow ! s'exclama Maïa, impressionnée. Tu sais faire des croissants ?

Alissia rit, fermant son paquet de beurre avec une main. Visiblement, la discussion intéressait Alma, qui avait arrêté de pleurer.

-Je fais une formation pour être boulangère.

Le visage de Maïa s'illumina, comme si tout prenait sens.

-C'est génial !

-Ouais. J'ai hâte que ce soit terminé. Ça me permet d'être ici avec Alma, mais... j'ai du mal à gérer les deux.

Alissia n'osait jamais dire ça, d'habitude. Elle savait qu'elle n'était pas à plaindre. Elle était à la maison toute la journée, elle pouvait profiter des premiers jours de la vie de sa fille sans rien rater. Elle pouvait allaiter. Et en même temps, elle pouvait se préparer pour son futur métier.

Sauf que l'un n'allait pas avec l'autre. Que sa fille avait besoin de tout son temps, et sa formation aussi. Or, il n'y avait que vingt-quatre heures dans une journée.

-Ça, ça ne m'étonne pas. L'opinion publique pense que parce qu'on est à la maison, on peut tout faire sans aucune difficulté, mais ils n'ont pas essayé. T'es super courageuse. Voilà, c'est rangé. Tu as besoin d'aide pour autre chose ?

Alissia traversa la pièce du regard. En quelques minutes, elles avaient fait des miracles. Tout était complètement rangé et nettoyé. Le lave-vaisselle était remplie.

-Merci beaucoup, vraiment. Je... tu m'as beaucoup aidé. Je vais gérer le reste.

Maïa haussa les épaules.

-Aucun problème.

-Comment je peux te remercier ? l'interrogea Alissia, et Maïa sembla se souvenir de quelque chose.

-Est-ce que tu aurais des pépites de chocolat ?

-Bien sûr ! Qu'est-ce que tu prépares ? demanda Alissia en sortant un paquet d'un kilo de pépites de chocolat d'un placard.

-Ah oui, d'accord... souffla Maïa en aidant Alissia à soulever le paquet pour le déposer sur la table.

-Prends tout, tu me rendras le paquet plus tard.

-Tu es sûre ? Tu n'en as pas besoin ?

Alissia repoussa l'idée d'un geste de la main.

-Je te dois bien ça.

Ce soir-là, Alissia alla se coucher dès qu'Alma s'était endormie. La journée n'avait pas été de tout repos, mais elle était heureuse d'avoir trouvé une amie dans le voisinage. Elle espérait qu'elle reverrait Maïa bientôt.

Pour la première fois depuis cinq mois, Alissia avait l'impression d'avoir un peu pensé à elle.

pépites de chocolat » VERRATTI HERRERA BERNAT ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant