Chapitre 4

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Nous courons encore tous les deux dans le long couloir, on ne voit pas le bout de ce-dernier mais on s'en fiche, on passe juste du temps à deux. Je réalisais ces derniers jours que notre couple se tassait, la fleur de notre amour commençait à faner. Je me rends compte, là, tout de suite en courant avec lui que notre amour n'est idyllique que quand nous sommes menacés par le danger, et ça, ça n'a rien de bon ; est-ce cela qu'on appelle l'amour toxique ? Je ne sais pas vraiment puisque je sais que je suis amoureuse de lui, il n'y a pas de doute là-dessus mais est-ce que lui l'est vraiment ou est-ce qu'il fais semblant, j'aimerais être dans sa tête parfois. Entre maintenant et la fin de cette histoire de frontière, il y a quelque chose qui est partie et je n'arrive pas à mettre de mot dessus. J'ai juste vu qu'au lycée, il ne passait plus son temps avec moi comme au début mais avec ses amis : tant mieux pour lui après tout, combien de fois les vieux couples nous demandent de profiter de notre jeunesse avant le reste ? Nous continuons de courir mais j'ai l'impression de plus en plus de moins m'amuser qu'au début. J'ai le souvenir ces derniers jours de l'avoir senti distant de moi et de l'avoir vu proche d'Éliana, aussi proche qu'avec moi. Adam l'a vu aussi, il était d'ailleurs venu me parler de tout ça et on avait décidé de ne pas y prêter beaucoup d'attention. Je m'arrête de courir soudainement, je sais que je suis du genre à faire l'aveugle quand il y a des problèmes, mais là, ce n'est pas beaucoup ? Je vais me retrouver seule avec mon copain soi-disant fidèle - selon ses mots bien-sûr - et avec la petite-amie de son meilleur ami. Je m'arrête même de marcher à cette pensée et il met plusieurs minutes à s'en rendre compte. Il s'arrête à son tour en se retournant.

« Tout va bien Vic' ?

- Élias, tu me trompes ? demandai-je, une larme coulant sur ma joue.

- Vic', pourquoi je te tromperais, je t'aime, tu le sais n'est-ce pas ? Et puis avec qui je te tromperais c'est ridicule arrête ton cinéma, me répondit-il serein en essuyant mes pleurs.

- Avec Éliana ? Je t'ai vu très proche d'elle ces-derniers jours, et Adam aussi par ailleurs.

- Vic', je n'ai absolument rien fait avec elle je le jure.

- Et tu n'as pas remarqué que notre couple est tout sauf stable, on s'aime que sous l'emprise du danger et de la mort.

- Oui, c'est vrai, je le savais, mais je t'aime même en dehors de tout ça. Tu es la femme de ma vie Victoire, je te veux toi et pas Éliana ni qui que ce soit d'autre d'ailleurs. S'il-te-plait sors ces pensées négatives et nocives à notre couple de ta tête. »

Je ne réponds pas, il pose sa tête contre la mienne et pour la première fois de ma vie je n'arrive pas à savoir s'il ment ou pas. Cela me perturbe, depuis toute petite j'arrive à savoir, par les paroles, les actes, les regards, tout ce qui peut trahir une personne si elle ment ou pas. Mais là, ses regards sont vides, ses paroles incohérentes, ses gestes distants de moi, il fait tout pour me troubler et je tombe dans son piège.

« Élias nous sommes à deux doigts de la mort donc je ne vais pas te faire la morale maintenant mais tu ne payes rien pour attendre. Suis moi on se remet en route ta maitresse nous attends, déblatérai-je en me remettant à marcher rapidement.

- Tu es ridicule Victoire arrête ça s'il-te-plait. »

Il se met à courir pour me rattraper et il tente de me prendre la main, il veut me récupérer et me duper en plus de ça, sale lâche.

Éliana est de retour au village, elle est assise sur le sol et elle ne se plaint pas, rien que ce village est un miracle, retrouver ses amis serait encore plus beau. Elle réfléchit, elle sait qu'il faudra qu'elle parte en expédition pour les retrouver mais elle n'a pas le courage, ni les épaules pour tomber sur des cadavres. Élias et Victoire seront donc son dernier espoir.

Je continue de marcher droit devant moi sans jeter un seul regard vers l'arrière, hors de question que je lui donne l'impression de m'intéresser à lui. Je commence à apercevoir une lueur au loin je me mets donc à courir en ignorant les cris d'Élias qui me demande de m'arrêter. J'arrive donc enfin et en relevant la tête après avoir repris mon souffle je vois des dizaines et des dizaines de petites maisons de bois. Quand Éliana parle de village elle ne rigolait pas, je pensais juste à deux ou trois maisons mais non, il y en a des vingtaines voire des trentaines. Je cherche Éliana pour lui parler et pour lui dire que nous devons partir au petit matin pour retrouver les autres. Mon plan est simple, nous attendrons les premières lueurs du jour et puis nous partirons rapidement pour retrouver tout le monde, une fois que nous les aurons tous retrouvés - soyons optimistes – nous retournerons au village avant de tenter de sortir de cette fichue faille. Nous ne sommes en effet pas sortis de l'auberge. J'aperçois Éliana assise au sol près d'un feu de camp je la rejoint donc sans me préoccuper d'Élias.

« Et bien vous en avez mis du temps, remarqua-t-elle.

- Comment ça vous ? C'est monsieur qui marchait lentement.

- Pardon, c'est toi qui m'a fait la morale pour absolument rien ! S'indigna Élias avant de partir une larme à l'œil.

- Tout va bien avec Élias ?

- Oui ne t'en fais pas.

- Bien, tu as un plan ? »

Je lui explique donc le plan que j'ai mis en place tout en commençant à regretter mes paroles à propos d'Élias.

« J'aime bien, mais il y a un problème Vic'.

- Lequel ? demandai-je en commençant à chercher Élias.

- Je ne pense pas avoir le courage de venir avec vous, j'ai trop peur de ne retrouver que des cadavres.

- Je peux comprendre, mais moi j'ai besoin de les retrouver, tu ne viens pas ?

- Non, je suis désolée.

- Ne t'en fais pas Éliana. Tu sais où est parti Élias ?

- Tu ne peux jamais te passer de lui c'est fou l'amour que vous avez l'un pour l'autre. »

Je souris, je suis véritablement aveugle, il est attentionnée envers moi et ces petits rapprochements avec Éliana n'était sûrement pas important. Je marche donc à travers les petites allées faites main en le cherchant. Plus le temps passe plus je commence à me dire qu'il est peut-être parti loin du village quand soudain je le vois assis sur un petit tabouret avec une guitare entre les mains. Il dépose ses doigts sur les cordes et il commence à prononcer des mots au hasard en jouant une mélodie triste. Je me rapproche de lui en tentant de faire le moins de bruit possible. Je contourne tout le monde et je viens m'assoir dans un endroit dénudé de toute personne sans qu'il le remarque. Il continue sa chanson sans se rendre compte que je le fixe et que je retombe amoureuse de lui encore plus fortement. Je ne savais même pas qu'il jouait de la guitare, on voit que c'est assez maladroit puisqu'une fausse note sort de l'instrument à chaque seconde. Il tourne la tête et me voit passionnée par sa musique. Il repart pour un refrain avant d'arrêter la musique et de me regarder avec son fameux sourire.

« Élias c'était sublime, chuchotai-je en m'approchant de lui.

- Merci. »

Je lui dis dans le creux de l'oreille que nous partirons dès les premières lueurs du jour à la recherche des autres sans Éliana.

Il approuve mon idée d'un hochement de tête et je m'apprête à l'embrasser, mais je suis interrompue par un vieil homme qui m'arrive à la hanche qui dépose tout le poids de son maigre corps sur sa canne de bois taillée. Il me fait signe de le suivre, je prends donc la main d'Élias et nous nous dirigeons tout deux vers la plus grande maison du village. Nous parlons longtemps avec cet homme en lui expliquant le plan que j'avais établi quelques minutes seulement plus tôt. Il finit par accepter que nous quittons le village et il nous donne en plus de cela un sac rempli de provisions chacun. Nous allons, moi et Élias, dans une de ces cabanes pour se reposer avant notre départ dans la neige poudreuse et tueuse.

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