Chapitre 16

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On marche tous les deux dans le long couloir qui me semblait plus court dans mes souvenirs. Il ne parle pas et moi non plus, après qu'il m'ait embrassé aucun de nous deux n'a prononcé un seul mot et il est hors de question de relever le sujet. Cette scène me rappelle la toute première fois où il m'a embrassé : dans cette tour, entourés de brutes, la seule solution qu'il a trouvé a été de m'embrasser. Le pire dans cette histoire c'est que ça a fait fuir toutes ces grosses brutes. Nous sommes les premières personne à s'être embrassés depuis des siècles, ça n'avait même pas fait de scandales, les gens étaient heureux de retrouver le sexe opposé. Je regarde le sol, ce que j'ai déjà fait la dernière fois, je finis par relever la tête en me persuadant moi-même que possiblement ce long couloir est beau. Je regarde les parois : de la roche glacée qui monte jusqu'au plafond, rien de plus. Jamais je n'aurais pensé il y a quelques semaines que je me retrouverais avec Élias, qui est maintenant mon ex, à marcher dans un long couloir qui lui-même se trouve dans une faille. D'ailleurs comment cette faille est arrivée là, une faille de cette taille ne s'ouvre pas seule.

« Élias, comment tu penses que cette faille s'est ouverte, et pourquoi il y a un village ici ?

- Je ne sais pas du tout. Mais je sens que ça pourrait être un coup de ta mère et de Gabriel, il ne nous aurait pas agressé de la sorte s'il n'était pas dans le coup.

- Ma mère me déteste mais pas au point d'ouvrir une faille pour que je tombe dedans. Et, folle comme elle est, elle aurait prévu le fait que vous tombez avec moi.

- C'est pas faux.

- Ne te vexe pas, mais est-ce que tes parents ne seraient pas dans le coup, ils sont partis juste avant que la faille s'ouvre. Et de plus ma grand-mère, elle m'a prévenu quelques secondes avant, comment a-t-elle su ?

- Mes parents nous ont laissé Mayssane, ce n'est pas possible. Et ta grand-mère fait partie du comité, elle a sans doute appris là-bas qu'il était possible qu'il se passe ceci et cela, elle a préféré nous prévenir.

- Tu as toujours une réponse à tout pas vrai ?

- Sûrement. Dit-il en riant. »

Nous marchons toujours sans voir le bout de ce fichu couloir éternel. Je me dit intérieurement qu'il faut que j'appelle mamie pour lui demander des explications, et lui poser toutes mes questions au lieu de les poser à Élias qui n'a, au final, aucune réponse. Je fouille dans mes poches en priant pour que Gabriel ne m'ait pas pris mon téléphone pour m'éviter de prévenir. Je pense soudain que depuis le début nous aurions pu appeler les secours et donc sauver tout le monde sans aucun blessé. Mayssane serait sûrement là si on avait réagi comme ça. Je regarde Élias et décide de ne pas lui émettre mon raisonnement même s'il a déjà dû y penser. Je tente de regarder le plus loin possible et je pense apercevoir une lueur, enfin la fin du couloir. Je préfère garder le plus d'énergie possible et donc je ne cours pas, même si j'en meurs d'envie : je commence à étouffer dans ce couloir, seule avec Élias sans parler. Je déteste autant le silence que l'obscurité et pourtant ce n'est pas une phobie. Tous mes amis savent que j'ai peur du noir car ma mère m'enfermait sous l'escalier quand j'étais plus petite, pourtant le silence était autant présent que le noir dans cet endroit. Je m'y suis habituée avec le temps au silence, comme tous les humains de cette planète.

Nous arrivons - après un bon bout de temps de marche – au bout du couloir. Élias, lui qui a plus de force que moi en temps normal mais surtout en vue de mon état, pose sa main sur le mur et appuie dessus. Comme la dernière fois, j'observe le mur se fissurer pour laisser la place à la lumière que les torches en grand nombre produisent. Je ne bouge plus, je tente de m'évader en fixant la flamme d'une de ses torchent qui dansent sur son socle avant de disparaitre, faute de charbon. Une des femmes, qui s'occupent sans doute des torches en vue du torchon sale qu'elle porte en guise de vêtement, s'approche et remet du charbon dans la torche. La flamme réapparait instantanément et continue de danser tranquillement. Je sens Élias prendre ma main et glisser ses doigts entre les miens avant de me tirer vers l'extérieur doucement. Il me tire entre toutes les petites cabanes en cherchant du regard la grande, bien visible normalement, du chef. Nous sommes entre deux cabanes et je vois ma vision se noircir avant de commencer à perdre lentement la force de mes jambes. Je les sens me lâcher avant que je tombe tête la première dans la neige, j'ai le visage enfoui dans la neige et je ressens bien le manque d'oxygène qui commence à me guetter mais je n'ai plus la force de me sortir de là. Je commence à perdre mes sens légèrement avant que Élias me sorte de là rapidement, il en a mis du temps. Il m'appuie sur le mur d'une cabane et me retire la neige qu'il me reste sur le visage. Je fixe la neige, blanche comme elle est et je tente de faire abstraction de l'endroit où je me trouve. Je ferme les yeux mais Élias ne perd plus de temps et me secoue.

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