Chapitre 22

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« Comment veux-tu que je te prouve que je suis capable de t'aider si le mal se retourne contre moi ? Dis-je après quelques minutes de silence pur.

- Promis, cette fois c'est à toi de nous sauver tous les deux. Répondit Élias en pointant du doigt le ciel.

- Et merde, la faille ! »

Il me tend la main quand il s'aperçoit que je n'arrive pas à me lever. J'hésite légèrement avant de la prendre.

«  Je n'ai pas la moindre idée de ce que nous pouvons faire.

- Lui, on le laisse là ? Me coupa Élias en montrant Shawn d'un signe de tête.

- Oui. Tu veux vraiment sauver une ordure pareille ?

- Tu me connais.

- Trop gentil... »

Je prends le temps de regarder Élias plus en détail, il n'a pas la moindre blessure et pourtant j'ai vu la violence que Shawn lui a infligé. Je fixe le ciel, enfin ce que je peux en distinguer et je ne trouve pas une seule solution contrairement à mon habitude. La faille fait des kilomètres de profondeur, nous ne pouvons rien faire avec le peu de force qu'il nous reste à tous les deux. Je vois Élias se retourner et marcher un peu aux alentours.

« Victoire, peut-être que nous pouvons trouver quelque chose au village.

- Bonne idée, mais je ne vois pas ce que ça va pouvoir apporter de plus.

- Du soutien et de la compagnie. Je ne t'ai pas dit d'ailleurs mais je te trouve sublime habillée comme ça. »

Il commence à marcher tranquillement vers le village et je reste bouche-bée, ma robe a été déchiré avec toutes mes chutes et elle m'arrive maintenant aux genoux, les dorures sont parties et son bleu est délavé. Je tente de le rattraper en trottinant et je finis par arriver à sa hauteur :

« Élias, ma robe est devenue immonde.

- Je te dis que je te trouve belle, je ne dis pas que ta robe t'embellit, tu l'embellis.

- Quel dragueur mon dieu. »

Nous rions tous les deux mais je vois bien qu'il est sincère et qu'il n'essaye pas de me récupérer même s'il aimerait sans aucun doute. Tout à coup un tremblement violent du sol vient nous faucher tous les deux : la faille s'est refermée. Je m'assois après avoir repris mes esprits et je ne peux retenir mes larmes, je m'écroule. Élias se relève et vient me prendre dans ses bras, me serrer contre lui, me rassurer, me réconforter.

Pendant plusieurs minutes, pas un mot n'est échangé, nous nous comprenons : nous ne reverrons plus nos amis et nos familles respectives. Il regarde par-dessus mon épaule et je le sens se tendre.

« Élias, qu'est-ce qu'il y a ?

- Le village, il n'est plus là.

- Pardon ? »

Je me retourne et vois, en effet c'est vide à présent, nous sommes seuls au monde désormais sans rien pour manger ni boire ni se reposer. Cette vue d'horreur a pour effet de me faire pleurer plus et de le faire me serrer un peu plus.

Caroline est tombée, comme tout le monde autour d'elle, quel choc. Son compagnon l'aide à se relever et tout à coup une main se pose sur son bras, elle se retourne et voit une femme d'une cinquantaine d'années pleurer, elle la reconnait : la mère d'Élias. Et à ce moment elle comprend, Victoire et Élias sont enfermés dans la faille pour toujours.

Je continue de pleurer tout ce que je peux sans penser à combien je suis en train de me déshydrater, après tout nous allons mourir dans peu de temps, alors pourquoi s'économiser ?

« Élias, selon toi lequel de nous deux va mourir en premier ?

- Victoire, c'est quoi cette question ?

- Je pense que c'est moi, je suis plus faible.

- Enfin Victoire, ta grand-mère va trouver une solution, les autorités aussi, ils ne peuvent pas laisser deux adolescents seuls dans une faille six pieds sous terre avec un homme dangereux.

- Je pense qu'ils vont nous laisser pourrir ici, et puis comment rouvrir cette chose si grande dont personne ne connaissait l'existence ?

- C'est vrai, tu as raison, je n'en ai aucune idée. »

Je me plonge un peu plus dans ses bras et je me colle un peu plus contre lui, je le sens encore une fois se tendre d'un seul coup mais cette fois au lieu de lui demander je me retourne. Le chef est là, seul, debout au milieu de rien, il n'a plus sa canne. Il nous fixe moi et Élias et ne prononce pas un mot. Je vois ses lèvres bouger mais pas un son ne sort de sa bouche, c'est comme s'il se parlait à lui-même. Il se met à marcher vers nous toujours en bougeant ses lèvres mais cette fois je peux comprendre ce qu'il dit.

« Mes enfants, vous avez déshonorer notre Reine, vous avez énerver notre Déesse, donc oui vous êtes enfermé ici pour punition.

- Votre Déesse est ma- »

Je suis coupée par Élias qui plaque sa main contre ma bouche pour m'empêcher de détruire les rêves de ce monsieur, il reprend :

« Monsieur, nous nous excusons auprès de la grande Déesse, et la prions de nous faire sortir d'ici. »

Le chef acquiesce et tend une main qui parait moite à Élias.

« J'ai dit nous, elle aussi veut partir d'ici.

- Elle doit s'excuser auprès de la grande Déesse. »

Je me tourne vers Élias, il est hors de question que je m'excuse auprès de cette traitresse, je sais bien qu'il va m'obliger à le faire.

« Victoire, même si tu ne le penses pas, fait le, au moins pour moi. Me dit-il en passant sa main dans les cheveux.

- Bien, je vais faire un effort, mais juste pour sortir d'ici. Je m'excuse auprès de la grande Déesse. »

Le monsieur acquiesce une nouvelle fois, se retourne et s'éloigne. Je m'apprête à l'insulter de tous les noms possibles mais Élias plaque une nouvelle fois sa main contre ma bouche pour me faire taire et me dit d'attendre. Je me détends et j'ai l'impression d'attendre une éternité avant qu'un bruit sourd ne résonne.

Caroline pleure dans les bras de son compagnon, la dernière personne qu'il lui restait est peut-être morte avec sa chute, quelle grand-mère indigne elle pense être. Tout à coup la terre se remet à trembler, un bruit de déchirement, elle le connait : la faille. Elle se relève sans réfléchir et voit un trou béant qui s'ouvre petit à petit. Elle sourit à travers ses larmes et hurle à tout le monde de préparer les baudriers et de s'éloigner.

Le bruit de déchirement. La faille s'ouvre. Je pleure encore, de bonheur. Je vais revoir tout le monde. C'est enfin la fin.

Un bruit résonne encore, elle est ouverte, je vois quelques secondes à peine plus tard des hommes descendre contre la paroi, des dizaines et des dizaines d'homme descendent en hurlant nos noms. Je me relève d'un seul coup en manquant de tomber et cours vers la paroi en faisant de grands signes de mains. Un homme touche le sol, Élias est derrière moi et je sens bien qu'il sourit, je sens son bonheur. Je cours - je ne sais par quel moyen – et fonds sur l'homme qui m'installe le baudrier et pour la troisième fois, je sens mes pieds dans le vide le plus complet. J'arrive à la surface, m'écroule sur l'herbe dans les bras de Mia, de Léon, d'Adam, de Mayssane et d'Éliana. Élias arrive à son tour et le groupe se fait le plus gros câlin que la terre n'est sûrement jamais connu. Les retrouvailles sont intenses mais j'arrive quand même à penser dans les bras de ma grand-mère qui pleure : et maintenant avec Élias ?

L'Autre Monde 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant