Chapitre 85

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Dimanche 18 janvier 1942

Mon cœur saigne et souffre depuis qu'il est parti. La vide qu'il a laissé est insoutenable mais je n'ai guère le choix que d'avancer...

J'ai voulu reprendre le travail pour tenter de penser à autre chose mais dès que je passe la porte de l'appartement, le souvenir revient et je me met à pleurer. Je ne mange plus, je ne dors plus...

Aujourd'hui, Louise doit venir me parler de son « idée » de mariage arrangé. Je n'ai pas vraiment envie d'être marié à un inconnu pour qui je n'ai pas de sentiments mais ai-je bien le choix?

Il est 10h et elle frappe à la porte. J'ouvre et je constate qu'elle n'est pas seule:

- Marcel? M'exclamé-je.

Il me regarde un instant puis me prend dans ses bras. Je suppose que Louise lui a tout raconté. Je me sens honteuse mais cela me fait tellement de bien de le voir...
Je les fais entrer et je ferme la porte derrière eux pour les conduire jusqu'à la cuisine. Je sais que Marcel prend des risques en venant jusqu'ici. Il a beaucoup changé physiquement. Une petite moustache, des cheveux plus longs et une maigreur assez effrayante. Ils s'installent autour de la table de la cuisine et je commence à préparer du café. Du vrai... privilège de côtoyer l'ennemi....

- Je te présente ton futur mari. Me dit alors Louise.

Je me retourne vers eux et prend un moment pour réfléchir à ce qu'elle vient de dire. Puis je regarde Marcel....

- Quoi? Marcel?

- Oui. Nous sommes en train de trouver un nouvelle identité à Marcel pour qu'il puisse reprendre une vie normale et également revenir pleinement dans le réseau. Il doit être marier et avoir une famille. Donc... tu deviendra Alice Lorrain, épouse de monsieur Pierre Lorrain, venu à Besançon pour reprendre les affaires d'une scierie de son frère décédé. Vous vous êtes rencontré au bar, êtes tombé amoureux et bla bla bla, tu connais la suite.

Je reste muette un instant. Mariée à Marcel... enfin qui sera devenu Pierre...

  -  Je... et bien... balbutié-je.

Marcel prend la parole:

  -  Je sais que tu ne m'aimes pas Alice. Et je sais que ce mariage est factice. Mais moi j'ai besoin de cette nouvelle identité et toi tu as besoin que ce bébé naisse avec un père... français.

Je viens leur servir le café et je m'installe en face de lui. Au fond j'aimerai tellement qu'Emmrich revienne, me pardonne et que nous puissions élever se bébé ensemble. Mais je sais que c'est tout bonnement impossible...

  -  C'est d'accord... dis-je enfin.

  -  C'est parfait! Je vais organiser le mariage rapidement. Fin février ça devrait être bâclé. En attendant, on doit vous voir ensemble. Surtout au café. Ensuite Alice, tu devras quitter cet appartement et aller vivre avec Pierre. Madame Sarrant est partie rejoindre sa famille en Suisse jusqu'à la fin de la guerre. Elle m'a laissé les clés de son appartement car elle ne veut pas que les boches s'y installent. Vous irez vivre la bas. Il y a assez de place pour un couple et un enfant.

J'acquiesce. Je l'écoute mais plus elle explique la suite des choses et plus j'ai envie de m'enfuir en courant... J'adore Marcel mais je me suis toujours imaginer vivre et élever mon enfant avec une personne dont je serai  éperdument amoureuse...

  -  C'est bon Alice? Tu as compris? Me demande alors Louise alors que je suis partie dans mes pensées et que je ne l'écoute absolument plus.

  -  Oui oui... répondis-je.

  -  Bon très bien. Pierre Lorrain arrive sur Besançon demain. Tu le rencontreras pendant ton travail.

  -  C'est noté. Conclue-je.

Mes amis terminent leur café et s'en vont. Demain commence ma nouvelle vie... il faut que j'arrête de me morfondre et que je pense à cet enfant maintenant... Emmrich est parti... je dois avancer sans lui...

Lundi 9 février 1942

Cela fait maintenant presque un mois que « Pierre » et moi nous nous voyons. J'ai du mal à faire semblant. Marcel lui joue très bien le jeu... Je ne l'ai jamais embrassé. Il a tenté plusieurs fois mais j'ai détourné mon visage pour que son baiser atterrisse sur ma joue...
Ce week end, nous avons emménagé dans notre nouvel appartement. J'ai déjà vécu avec lui mais le contexte était différent.

Samedi 21 février 1942

Ça y est, je suis officiellement marié à « Pierre Lorrain » depuis aujourd'hui. J'ai essayé de faire comme si j'étais heureuse mais je souffre tellement de son absence que je n'arrive même plus à feindre un sourire.

Le soir, nous rentrons à l'appartement. Marcel a beaucoup bu. Je dors dans la chambre du futur bébé tandis que Marcel dort dans le chambre conjugale.
Je ne tarde pas à m'endormir mais je suis réveillée peu de temps après par la sensation qu'on me touche le bras. Je sursaute et je me retrouve nez à nez avec Marcel. Il est dans mon lit, presque nu et me regarde étrangement. Alors que j'ai un réflexe de recul, il m'attrape par le bras et me serre contre lui.

- Mais arrêtes qu'est ce que tu fais! Dis je en le repoussant de toute mes forces.

- Allez Alice, on est marié maintenant. Tu ne vas pas me repousser comme ça à chaque fois. Tu as des devoirs maintenant ... me dit il.

Son haleine empeste l'alcool.

- Mais non, ça ne va pas... ARRÊTES! Crié-je alors qu'il tente de m'embrasser.

J'arrive enfin à me soustraire de son étreinte et je saute du lit pour lui échapper.

- Sors de ma chambre !!! Lui ordonné-je encore tremblante.

Il se lève, s'arrête devant moi et me met une gifle.

- Tu préfères te faire sauter par les boches! Espèce de salope !

Il s'en va et je me précipite pour tourner la clé dans la serrure. Je passe ensuite ma main sur ma joue endolorie et je m'effondre sur le sol en pleurant. Ce soir, Marcel était un autre homme... quelqu'un que je ne connais pas et qui m'a fait vraiment peur... et je vais devoir apprendre à vivre avec....

Coucher avec l'ennemi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant