Chapitre 104

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Dimanche 30 juin

02h30

Je n'arrive pas à trouver le sommeil. Les images des hommes fusillés me hantent l'esprit. Je n'arrive pas à penser a autre chose. Je décide de me lever et d'aller boire un verre d'eau. J'allume une bougie pour ne pas réveiller toute la maison et je descend discrètement. Je me sert un verre puis je m'installe sur un chaise. J'entend alors quelqu'un descendre les escaliers et quelque secondes plus tard, c'est Emmrich que je distingue sur le pas de la porte.

  -  Est ce que ça va ? Me demande t'il en chuchotant.

  -  Oui. Nié-je.

  -  Tu ne dors pas?

  -  Non... je n'arrive pas à trouver le sommeil...

Il s'approche de moi et pose une main sur mon épaule.

  -  Viens, me dit il, je te raccompagne.

Je termine mon verre et je le suis. Il m'entraîne alors jusqu'à la porte de son appartement et me fais signe d'entrer. J'hésite un instant mais il me pousse légèrement à l'intérieur. Lorsqu'il referme derrière nous, je lui dis en chuchotant:

  -  On risque de nous voir.

  Il secoue la tête puis viens m'enlacer.

  -  Tu n'arrives pas à dormir à cause de ce que je t'ai fait voir? Me chuchote t'il a l'oreille.

  J'acquiesce en silence.

  -  M'en veux tu?

J'acquiesce à nouveau.

  -  Il faut que tu saches que ce que je fais c'est pour te protéger et te faire ouvrir les yeux sur ce qu'il se passe. Je m'en voudrais s'il t'arrivais quelque chose...

Les larmes me montent aux yeux et je commence à pleurer doucement. Emmrich me sert plus fort contre lui et me laisse exprimer mon chagrin. Je le sert moi aussi et j'essai de masquer le bruit de mes sanglots en enfouissant mon visage contre sa poitrine. Il m'entraîne jusqu'au canapé et m'invite à m'allonger. Il positionne ma tête sur ses genoux et caresse mon visage et mes cheveux. Je me rend compte qu'il peut être aussi affectueux qu'il est cruel... Je le hais et l'instant d'après, je suis follement amoureuse... cet homme me rend complètement folle.

07h

Je me suis endormie contre lui. Lorsque j'ouvre les yeux, je suis toujours allongée sur le canapé. Emmrich est déjà parti. Il n'a aucun répit, même le dimanche. Il m'a laissé un petit mot me disant d'être discrète en sortant et qu'il ne rentrait que ce soir...
Je suis un peu déçue de ne pas avoir pu lui souhaiter une bonne journée...

C'est mon jour de repos. Malgré la fatigue, il fait très beau dehors et j'ai envie de sortir pour profiter de la fraîcheur de l'aubade.

Je me promène dans les rues de Paris. Alors que je traverse une ruelle isolée, j'entend une voix m'interpeller. Je m'arrête pour scruter les lieux mais je ne vois personne.

- La! Derrière la poubelle!

Je me retourne et je m'approche de la grosse benne à ordure. Un homme est caché derrière. Il est très sale. Sa peau est presque noire de crasse. Il porte un béret gris, aussi souillé que lui. Il arbore une barbe grisonnante mal taillée. Je le considère un instant, le dévisageant des pieds à la tête.

- Vous pouvez me rendre un service s'il vous plaît? Me dit alors l'homme crasseux.

Je suis un peu embêtée. Je regarde autours de moi. Il n'y a personne. Je m'approche un peu plus de lui et lui demande ce qu'il veut.

- Pouvez vous déposer ça au 22 rue Lecourbe s'il vous plaît? C'est pour ma femme...

Son regard s'éteint soudainement. Il semble triste, comme s'il allait mourrir dans les prochaines heures...
Il farfouille dans sa besace et en sort un petit morceau de papier. C'est une enveloppe pliée en deux. Je l'attrape furtivement et la cache dans ma robe.

- Très bien, je le ferais. Répondis-je.

- Je vous remercie. Dieu vous montera au ciel mademoiselle. Me dit il.

Il pose son doigt sur sa bouche, me faisant comprendre de ne pas dévoiler sa cachette et s'enfonce aux milieu de cartons abandonnés. Je le regarde une dernière fois puis continue ma traversée. Je débouche sur une rue piétonne qui grouille de soldats. Je ne sais absolument pas où est cette rue et pourquoi j'ai accepté de faire ça... peut être un sentiment de repentance...
Je décide d'aller me renseigner auprès d'un commerçant. En arrivant devant la première boulangerie que je croise, je m'attarde sur une affiche, placardé au mur.

« Avis de recherche. Raymond Duval. Recherché pour acte de terrorisme. »

Je reconnais tout de suite l'homme de la ruelle, malgré l'absence de barbe sur la photo. Je me demande ce qu'il a fait, pourquoi il est caché, s'il va s'en sortir... Une soudaine envie de l'aider m'envahi et je fais demi tour. En chemin je me pose mille et unes questions... pourquoi je fais ça? Qu'ai-je besoin de prouver? Et à qui? Si Emmrich l'apprend... ou que je me fais attraper... Je n'ai pas le temps de réfléchir que je suis déjà dans la ruelle. Je retourne discrètement à la poubelle. L'homme est toujours là. Je fais mine de chercher quelque chose dans mon sac tout en entamant la conversation.

- Monsieur Duval? Demandé-je.

Après un court silence, il me répond.

- Oui...

- Des avis de recherches sont placardées un peu partout... lui dis-je pour qu'il sache pourquoi je l'interpelle ainsi.

- Je me doutais un peu.

- Cela ne me regarde pas je le sais mais... avez vous besoin d'aide? Souhaitez vous que je vous fasse envoyer quelqu'un?

Nouveau silence.

- Pourquoi m'aideriez vous? Et comment je peux vous faire confiance?

Je me met face à lui, pour qu'il puisse lire la sincérité dans mon regard.

- J'ai été résistance dans une autre ville... et j'aurai aimé que l'on m'aide si j'en avais eu besoin.

Il hésite un instant. Puis il me fait signe de m'approcher un peu plus.

- Allez au café Barnabé, rue Chapon. Vous devez prendre le métro pour vous y rendre et vous arrêter à la station Arts et Métiers. Vous allez au comptoir et vous demander à parler a l'Oreille.

- L'Oreille? Répété-je, surprise par ce « nom ».

- Oui. L'Oreille. Vous pourrez lui dire ou je me trouve.

- D'accord. J'y vais de ce pas. Bon courage.

- Attendez! M'interpelle Raymond, n'oubliez pas la lettre pour ma femme s'il vous plaît...

- Oui bien sûr. Je m'en occupe ensuite.

- Merci...

Je lui esquisse un sourire puis je m'en vais. Ou? Je n'en ai pas la moindre idée... mais cette mission me donne un peu d'ardeur et je suis déterminée à aider cet homme... quoi qu'il en coûte...

Coucher avec l'ennemi...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant