1.I

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"Ouais, fuck, là, j'maudis ma life. J'té-ma la lune, là, j'crie comme un loup"

NAËL


Il regardait par la fenêtre, un verre à la main, toujours ce même regard vide.
Il pleuvait, il pleuvait beaucoup en cette fin d'après-midi et ça le détendait.
Ça lui rappelait les jours où il sortait sous la pluie avec elle.
La pluie qui tapait les vitres, martelait le sol et qui émettait une douce mélodie qu'il arrivait encore à apprécier.
La pluie qui effaçait tout hormis ses souvenirs.
Il voulait les chasser loin de lui, et enfin vivre en paix avec lui-même, seul. Mais il n'y arrivait pas.
Depuis qu'elle n'était plus là, il n'avait plus de répit.
Seulement l'envie monstrueuse de semer sa haine partout où il allait.

Il soupira tout en regardant le paysage qui se dressait face à lui : la cité, là où il avait toujours grandi.
Il n'y avait rien, le ciel grisâtre donnait des couleurs de mort à tous ces bâtiments. Seul les cris des enfants qui jouaient sur le vieux terrain de foot et les mères qui les surveillaient animaient ce tableau déprimant.
Même ceux qui tenaient le mur n'apportaient rien au paysage aujourd'hui.
Hormis des couleurs fades, ternes et si monotone, au point où il en avait la gerbe à force de les regarder.

Il hésita à sortir, est-ce que c'était vraiment une bonne idée ?
Et s'il croisait un de ses voisins qui le regarderait encore avec pitié ?
Et s'il n'arrivait pas à se contrôler en voyant quelqu'un qui ressemblerait à son premier amour ?

Ces questions l'envahissaient, créant un doute en lui et pourtant, il étouffait ici.
Il voulait marcher, aller loin.
Loin de ces lotissements qui lui rappelait son premier amour, loin de son frère qui vendait de la drogue, loin de son cerveau en feu à force d'avoir réfléchi.

Il regarda l'horloge dressée sur le mur du salon.
19h57.
Il sortirait un peu plus tard mais pas tout de suite pour éviter les voisins et la foule.
Il ouvrit en grand la fenêtre pour mieux écouter le chant de la pluie et s'allongea sur son canapé nonchalamment.

L'air entra, le vent souffla à l'intérieur de la pièce et refroidit les lieux.
Tant mieux. Il aimait bien cet air frais, cet air qui le frigorifiait. C'est une des rares choses qu'il appréciait encore.

Et il fut de nouveau envahi par le flot de ses pensées.

Tout ça n'avait plus aucun sens sans elle, il s'efforçait de se reconstruire mais comment faire si elle n'était plus là ?
Comment le monde pouvait-il continuer à tourner alors qu'il avait perdu l'une des personnes les plus sincère, adorable et aimante qu'il n'avait jamais connu ?
Pourquoi son monde à lui ne s'était pas achevé en même temps que celui de sa bien-aimée ?
Pourquoi il devait marcher seul à présent ?

La seule personne qu'il avait aimé plus que lui-même, plus que tout au monde n'était plus et il haïssait cette idée du plus profond de son être.
Son cœur était si brisé et ses sentiments se glaçaient petit à petit, de la même manière que l'air envahissait l'appartement.
Il méprisait ces moments où il avait l'impression que ça allait mieux et puis, d'un seul coup, il sentait un vide intense qui lui faisait si mal, il se sentait agonisé et pourtant il était toujours en vie.
C'était dépourvu de sens et qu'est-ce que ça l'irritait.

Il se décida à rechercher le verre qu'il avait tantôt dans les mains, voulant ignorer sa rage qui bouillonnait en lui.
Il le trouva posé sur le rebord de la fenêtre, ce n'était pas sa décision la plus responsable : qu'est-ce qu'il aurait dit si le verre avait glissé et s'était écrasé au sol, répandant ses bouts de verre partout ou s'il était tombé sur quelqu'un ?

Lui-même l'ignorait.

Il comptait se réinstaller sur le canapé mais quelqu'un sonna à la porte. Il rouspéta parce que ça le faisait vachement chier que quelqu'un vienne le déranger, maintenant.
De toute façon, c'était bien connu, les autres ne savaient pas quand il fallait laisser Naël seul.

à nos âmes ébranléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant