Cela fait bien une trentaine de minutes que je suis là et le roi ne pointe même pas le bout de son nez. Je commence à en avoir plus que marre. Ce soir, j'ai deux hommes à tuer et des bijoux à voler, et j'ai loin d'avoir toute la nuit devant moi. J'ai discuté avec quelques dames de noblesse pour comprendre que premièrement, la salle de trésors se situe au deuxième étage et secundo, elle est gardée par Vladimir, ô le grand Vladimir. Comment ai-je pu récolter ce genre d'informations ? Simple. Les femmes aiment le luxe, et parler de choses qui ne les regardent pas.
Me voilà donc au bout de quelques minutes en train de monter les marches de l'aile ouest. Je pourrais tout simplement décider de ne pas tuer ce Vladimir et d'ignorer les souhaits de la Dame Noire mais j'ai été élevée avec des principes : un marché que tu passes se doit d'être réalisé jusqu'au bout. J'ai conclu un pacte avec elle que je ne peux pas ignorer de la sorte. Et puis, avec les bijoux que je volerai, je pourrais m'envoler pour une nouvelle destination. Et peut-être que cette fois-ci, ma carrière de meurtrière s'arrêtera là.
Bientôt, je grimpe les marches du première étage et j'arrive sur le palier du deuxième. Il n'y a aucun bruit ici, excepté le souffle du vent qui s'abat sur les murs du château. Je m'avance dans un couloir, peu sûre de moi. Si je me fais attraper, c'est la fin. Surtout que j'ai enlevé mon masque pour avoir les mains libres. Mes pieds m'emmènent directement au bout du couloir qui donne sur... bingo. La salle aux trésors. De grandes portes dorées m'interpellent alors qu'une énorme armoire de muscles garde l'entrée. Imposant et trapu, ses longs cheveux blonds lui tombent sur les épaules et il a effectivement un œil de verre. Génial, donc je suis supposée tuer ce gros balourd de mes mains ? Bon.
Quand faut y aller, faut y aller...
Je prends une grande inspiration, les mains crispées autour de mon fil étrangleur. Je sens l'adrénaline couler dans mes veines et faire battre mon cœur à mille à l'heure. J'ai beau être une tueuse remarquable, je n'ai jamais affronté ce type d'hommes avec ce genre de carrure. Il y a bien une première fois à tout, je vous l'accorde. Mais là, il envoie du lourd.
Je pince les lèvres puis m'avance en titubant. Un rire s'échappe de mes lèvres et je continue ma comédie lorsque Vladimir se redresse et me dévisage. Il ne semble pas plus affolé que ça devant la fille idiote et soûle que je suis en train de jouer.
— Mademoiselle, retournez en bas.
— Je crois que j'ai un touuut petit peu bu ! Juste un touuuut petit...
Mes jambes s'emmêlent et je fais mine de me rattraper sur lui. Loin d'être inquiété, il tente de me prendre par les épaules pour m'indiquer la sortie et je profite de ce moment de faiblesse pour lui sauter à la gorge. Je sentirais presque la surprise pulser dans ses veines alors qu'il va pour sortir son épée de son fourreau mais il n'en a pas le temps. Il tente de me tirer les cheveux mais tout ce qu'il réussit à faire, c'est m'enlever l'élastique de mes cheveux.
Munie de mon fil étrangleur, je viens lui tirer le cou vers moi. Je le vois battre des jambes, poser la main sur sa lame pour contrer mais il est trop faible. Son visage se teinte d'une nouvelle couleur alors qu'il supplie. Ses doigts glissent sur le sol et bientôt, il n'est plus qu'un tas de muscles morts lorsque mon lacet vient lui trancher la gorge de ses dents pointus.
Je soupire en me relevant comme si j'avais fait ça toute ma vie puis essuie brièvement le fil sur son veston avant d'esquisser une grimace lorsque je le vois lui trancher la peau.
— Mes excuses, je ne voulais pas abîmer ton corps d'apollon grec.
Je fourre ensuite l'objet dans mon sac avant de déguerpir aussi vite que prévu. Des gardes ne vont pas tarder de rappliquer. Pour l'or et les bijoux, je ferai autrement. Je n'ai pas le temps de m'attarder dessus si je veux avoir une chance d'atteindre le roi. Je descends alors précipitamment les deux escaliers avant de revenir dans la salle de réceptions comme si de rien n'était. Je saisis mon masque au passage et je m'empresse de cacher mon visage.
Ce n'est que lorsque je remarque les regards de certaines femmes sur moi que je réalise. Mes cheveux ont été détachés par l'autre balourd. Sont-elles jalouses de mes boucles naturelles ou bien ont-elle deviné qui je suis ? Peu importe. Je m'avance dans la salle, près de la fontaine à eau et balaie la pièce de mes yeux. Aucun signe du roi. Bon sang, mais où est-il ? Pile le jour où je joue le meurtre le plus important de toute ma vie. Ce n'était pas un plan organisé, mais c'était l'objectif depuis... Depuis que je l'ai décidé.
Je tente de me maintenir et fixe mon reflet dans la fontaine. J'ai l'air d'une pauvre fille avec mes cheveux roux et mon visage triste. Comment en suis-je arrivée là ? Mais aussi, quel roi organise un bal masqué sans s'y rendre lui-même ?
— Mesdames, Messieurs, la suite du spectacle se déroule dehors ! tonne une voix depuis l'entrée.
Les gens s'exclament, se bousculent et sortent alors que je les suis dans le jardin. Les bras croisés sur la poitrine, j'essaie de faire abstraction de toutes ces voix de bourgeois et de leur rire insupportable à mes oreilles. Bientôt, la voix qui nous a indiqué d'aller à l'extérieur se remet à parler et nous explique que le feu d'artifice va bientôt commencer. Bien sûr, en plus des chevaux, des trente-mille pièces dans le château, sa suprématie n'en a pas assez. Il fallait aussi commander un tas de feu follets pour faire rire la bourgeoisie.
Je lève tout de même les yeux lorsque le show commence et que des nuancés de couleurs vertes et dorés viennent illuminer le ciel étoilé. J'avale ma salive, attendant patiemment que le spectacle se termine. Je n'en peux plus de leurs acclamations et applaudissements comme si...
— Spectacle impressionnant, n'est-ce pas ? susurre une voix derrière moi.
Je ne tourne même pas la tête lorsqu'un homme se poste à côté de moi. Mon sang ne fait qu'un tour à l'entente de cette voix... Je pince les lèvres, déglutis et ne détourne pas mon regard du feu d'artifice.
— Presque aussi impressionnant que cette chevelure flamboyante...
Sa main tire doucement les pointes de mes cheveux alors que l'homme se poste devant moi. Mon cou se tend sous sa force et j'ai en face de moi le plus bel être humain que j'ai vu jusqu'ici. Enfin, de ce que je vois. Son masque cache le haut de son visage mais j'arrive à voir des lèvres pleines et parfaitement dessinées. Ses yeux s'illuminent d'un bleu clair lorsqu'un néon de vert colore le ciel. Son visage est si proche du mien que je sens l'odeur qu'il dégage, une odeur qui me paraît bien trop...
Délicieuse.
— Qui êtes-vous ?
Il ne relâche pas mes cheveux et tire encore plus dessus. Est-ce qu'il compte me déboîter le crâne ? Ses yeux se plongent dans les miens alors qu'il déclare d'un ton bas :
— Et toi, qui es-tu ?
Il dégage une telle intensité que je dois me ressaisir pour ne pas m'effondrer devant lui.
Reprends-toi, More.
Il finit par me relâcher et ses doigts se crispent lorsqu'il recule de quelques pas. Je le vois s'abaisser, saisir ma main et l'effleurer de ses lèvres. Vrai gentleman ne touche jamais la peau lors d'un baise-main. Il s'en va alors, me laissant à moitié pantelante au sol.
Bon Dieu, mais qu'est-ce qui vient de se passer ?
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𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3
Romantik« Ma grand-mère était une assassin. Ma mère, une voleuse. J'ai sûrement hérité des deux puisqu'en ce moment même, je suis emprisonnée à Meridia pour tentative de meurtre. » Morgan Healthyer, a à peine dix-huit ans lorsqu'elle tente d'assassiner le r...