𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3

Chapitre 42

Nous avons gagné l'épreuve mais je n'ai pas daigné lui adresser la parole. Il a tenté de me parler à de nombreuses reprises et je l'ai soigneusement évité même si mon cœur se brisait à chaque fois. Le repas du soir s'est déroulé sans encombre puis j'ai mangé avec Dina, laissant Erkel avec Areena et les autres. L'hypocrisie planait dans la salle quand je suis passée devant pour rejoindre mon amie. Areena était assise à côté d'Erkel et cette idée m'a rebutée.

J'ai passé toute la soirée avec Dina et je dois avouer que le temps était long et l'angoisse montait à chaque minute écoulée. Elle a bien vu que je n'étais pas dans mon assiette et elle a tenté de me soutirer des informations mais je suis restée silencieuse du début à la fin. Nous avons quand même parlé mais Erkel flottait dans mes pensées en permanence. Que faisait-il ? Était-il avec Areena ? Je l'avais blessé, c'était évident. L'après-midi était moment libre pour tout le monde et je l'ai vu discuter avec elle pendant de longs quart d'heure. Il mène son plan à bien : lui soutirer des informations.

Alors quand la nuit tombe et qu'il est plus de minuit, j'abandonne Dina et lui souhaite une bonne nuit. Même si après cette nuit, rien ne sera plus jamais pareil. J'arpente les couloirs, la gorge nouée, la boule au ventre. Mes yeux sont larmoyants et je renifle comme un petit chiot abattu. J'ai habitué mon moi du passé à mieux. Deux mois auparavant, je ne me serais jamais laissée faire. Mais deux mois auparavant, je n'avais aucune attache.

Aujourd'hui, j'en ai une. Et c'est Erkel. Il est la raison de ma souffrance en ce moment même. Comme quoi, aimer quelqu'un finit toujours par nous détruire. Il n'y aucune issue pour nous, j'aurais dû m'en douter. J'aurais dû savoir qu'un roi et une assassin, ça ne fait pas bon ménage. Que tôt ou tard, quelqu'un allait finir par apprendre la vérité. Tout va éclater aujourd'hui.

À l'intersection d'un couloir, je tombe sur Maverick et mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines, je l'interpelle. Il fait volte-face, tout sourire et s'exclame :

— Qu'est-ce que je peux faire pour toi, ma More adorée ? J'allais dormir mais peut-être désires-tu quelque chose ?

— Je ne le ferai pas.

L'expression de son visage se fige et il s'avance, menaçant.

— Alors dis adieu à papa et maman.

— Il doit y avoir une autre solution ! S'il vous plaît... Il pourra épouser votre sœur, il...

Je ne supplie jamais. Je me dégoûte en ce moment même.

— Quel est le problème, Morie chérie ? Je t'ai donné un ordre. Tu obéis, point. Je ne veux pas qu'il épouse ma sœur. Je veux ses terres et je les aurais.

Ses yeux se mettent à sourire et ses lèvres se retroussent d'un air mauvais. Il me pousse contre le mur, attrape mon visage. Je suis bien trop bouleversée pour comprendre ce qui se passe lorsque ses lèvres se posent sur les miennes. Quelques secondes. Interminables. Je sens un goût salé, celle de la sueur, la rugosité de sa bouche, la finesse de ses lèvres et cela me donne envie de vomir. Je tente de le repousser, en vain. Il serre mon visage tellement fort que je suis incapable de bouger. Dix secondes s'écoulent, je compte dans ma tête, il remue ses lèvres, pas moi. Une porte claque et il me relâche enfin.

Je cligne plusieurs fois des yeux, abasourdie. La gifle part toute seule. Le claquement résonne dans le couloir alors que la haine déforme sûrement mes traits en ce moment même.

— Erkel a tout vu, jubile-t-il.

Je le gifle de l'autre main. J'ai plus de force dans celle-ci et de toute façon il le mérite.

— Vous êtes un connard.

— Il sera mort avant d'avoir compris. Remercie-moi, More. Tu viens de lui briser le cœur, il ne tentera pas de comprendre tes motivations lorsque tu le poignarderas. Rappelle-toi papa et maman. Tout peut basculer du jour au lendemain. Si demain, je revois la tête de ton fichu fiancé, mes espions en seront informés. Tente quoique ce soit, une évasion ou bien même une tentative de meurtre envers moi, et mes espions le sauront également. J'ai un coup d'avance sur toi cette fois-ci.