Chapitre 7

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— Alors, c'est gentil mais je refuse.

Je plaque un sourire sur mes lèvres, mauvaise alors qu'il ne semble pas du tout intimidé par mon refus. Ce type est complètement cinglé s'il est sérieux.

— Un non n'est pas acceptable.

— Le Jeu des Roses n'est pas un tournoi où les duos participent en couple ?

Il hoche la tête, impassible. Cet homme n'a aucune émotion. Je croirais presque voir mon reflet. Toujours assise sur ma chaise, je lui réplique au nez :

— Premier problème : nous ne sommes pas un couple. Deuxième problème : vous avez comme, qui dirait, oublié que j'ai tenté de vous tuer deux mois auparavant. Vous tenez donc si peu à votre vie ?

— Le Jeu des Roses est un tournoi qui réunit tous les membres nobles du monde au sein d'un même pays, différent chaque année. L'année dernière, j'étais à Imir pour y participer. Le but étant de maintenir la paix entre les nations du monde entier. Aujourd'hui, un problème s'impose plus important que tes petites envie de meurtre d'anarchiste : la paix n'existe plus. C'est ce que vont tenter de ramener Imir, Ecclosia et Lucrenda lors de ces jeux débiles. Je suis de la partie aussi, mais vois-tu...

— Aucune femme ne veut vous accompagner, c'est ça ? Vous êtes tellement hideux que la gente féminine préfère rester loin de vous, comme ce n'est pas étonnant.

Il hausse un sourcil et ricane, moqueur.

— J'aurais juste à lancer une invitation pour qu'une file de femmes écervelées accourent à mes portes. J'en attendais mieux de toi, faucon. Incapable de me tuer comme de deviner la fin de mes phrases.

Je brûle d'envie de le transpercer d'une lame, là, maintenant. Il mérite une mort lente et abominable, pleine de souffrances qui le feraient hurler.

— Et vous, vous êtes obnubilé par votre petit monde bien bâti. Vous savez que si une guerre éclate, notre pays coule. Personne ne viendra vous sauver de la noyade, Majesté.

— Faucon, cesse de réfléchir à l'envers, si tu daignes au moins utiliser ta petite cervelle. La guerre a déjà commencé et ces jeux ne sont qu'un prétexte pour semer la zizanie entre les pays.

— Qu'est-ce que ça peut me faire ? craché-je.

— Eh bien, peut-être que Meridia est ton pays ? As-tu envie de voir une horde de soldats débarquer demain sur tes terres, massacrer tes confrères, tes parents et frères et sœurs ? Sache juste une chose : si Meridia se fait prendre, ils n'auront pas la même pitié que moi. Tu seras brûlée en place publique sans aucun scrupules.

Je me déteste de déglutir face à ses propos. Je sais qu'il a raison mais qu'est-ce qui me dit qu'une guerre est vraiment sur le point d'éclater ? Il semble saisir mes interrogations puisqu'il déclare :

— Je me suis rendu à Imir pour créer une alliance. Les pays du Nord se soulèvent. Tu ne le sais peut-être pas mais la reine Freya de Kelinthos s'est faite assassinée dans son sommeil il y a déjà plusieurs mois. Son mari et ses enfants l'ont rejointe quelques heures plus tard, sur la place publique. Ses deux filles ont été pendues, leur père écartelé et les deux fils se sont fait battre jusqu'à ce que mort s'ensuive. Et donc là, faucon, tu dois te demander : mais qui a bien pu faire ça ?

— Éclairez-moi donc, votre seigneurie.

Il ne relève pas ma pique et poursuit :

— Les jumeaux Areena et Maverick sont montés sur le trône. Un frère et une sœur indomptables et inséparables. Attaque-toi à l'un, tu subiras la colère de l'autre. Ils étaient les protégés de la capitale qui les a fait s'élever comme des oiseaux en pleine air. Kelinthos est allié à Derington et bientôt, ils ne tarderont pas à envahir les pays de l'ouest. Dont le mien.

— Alors pourquoi ce rendre à ces jeux si vous savez qu'une guerre risque d'éclater ?

C'est vrai, après tout. Si les pays du sud et Meridia savent que la guerre est inévitable, le Jeu des Roses n'est qu'un prétexte débile pour nous emprisonner entre les mailles du filet.

— Parce que avant d'être un roi, je suis diplomate et je tiens à tenter de régler ces conflits verbalement avant d'utiliser les poings. Imir et Ecclosia sont du même avis. Nous ne sommes pas des brutes avides de faire la guerre. De plus, nous n'avons jamais mis les pieds à Kelinthos. Ce sera pour nous l'occasion de tâter le terrain et d'aviser là-bas.

— Donc si je comprends bien, vous êtes un peu le sauveur de l'humanité qui tente de sortir Meridia du pétrin parce que, si j'en crois vos paroles, nous serons les premiers à tomber en cas de guerre. Alors pour ça, vous décidez bêtement de vous jeter dans la gueule du loup. Ils ont tué la famille royale, vous croyez qu'ils vont vous accueillir avec des banderoles et des apéritifs ?

— Faucon, tu es épuisante. Bien sûr qu'ils nous accueillerons avec des verres de champagne et des colliers de fleurs puisqu'en matière de géopolitique, jamais ils n'iraient nous tuer ouvertement. Ils se mettront tous les pays du Sud à dos, et comment t'expliquer que face à la combinaison Imir-Ecclosia-Lucrenda-Socrenia, ils n'ont aucune chance.

Bon. Je capitule. J'en ai marre de parler avec un bobo incapable de comprendre ma pensée. J'ai beau de rien connaître en politique, ce n'est pas en allant faire coucou aux ennemis qu'ils deviendront nos amis.

Et pourtant, cet imbécile rajoute :

— S'ils veulent prendre Meridia, ils le feront. Mais d'une manière subtile. Ils maquilleraient mon meurtre en suicide et se feraient passer pour les grands sauveurs.

— Et qu'est-ce que je viens faire là-dedans, moi ?

— Je te l'ai déjà dit : tu participeras avec moi au tournoi.

— Pourquoi moi ? J'ai voulu vous tuer. Vous ne pouviez pas choisir quelqu'un d'autre ?

Je le vois s'avancer trop près de moi. De ses doigts, il me fait relever le visage et m'examine, un sourire crispé aux lèvres.

— Je me pose aussi la question, maintenant. Tu prendras une douche, faucon. Tu sens aussi mauvais que tes amis les rats.

Je vais lui mordre les doigts. Je m'imagine le faire lorsqu'il passe son pouce sur mes lèvres tout en continuant à m'observer.

— Nous nous ferons passer pour un couple.

Et il recule en même temps que j'éclate de rire. Je finis par m'étouffer de nouveau avec ma salive devant son visage exaspéré.

— Tu seras ma fiancée là-bas. Nous discuterons plus tard des règles à adopter. En attendant, va prendre une douche.

— Qui est-ce qui vous dit qu'une fois libérée, je ne vous sauterai pas dessus ? répliqué-je.

— Si tu voulais vraiment me tuer, tu ne poserais pas la question.

Il s'éloigne pour aller rouvrir les portes puis revient. Il s'abaisse, si bien que maintenant il est en dessous de moi. Je baisse les yeux pour le regarder alors qu'il ajoute :

— De plus, tu es une femme intelligente et brillante, nous le savons tous les deux. Alors je suis sûrement idiot de penser cela, mais je t'estime assez maligne pour juger tes envies de meurtre moins importantes que la vie de pays en jeu. Une fois que nous en aurons terminé avec Kelinthos, tu auras tout le temps d'essayer de m'atteindre.

𝐋𝐞 𝐉𝐞𝐮 𝐝𝐞𝐬 𝐑𝐨𝐬𝐞𝐬 | TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant